dimanche 6 avril 2014

Équilibre instable (3/3)




Les jours qui suivirent la disparition de Dorothy virent le vide des ténèbres se propager à une vitesse folle. Les étendues blanches et désertiques se multipliaient. Tom ne quittait plus son quartier coloré. Il ne s’éloignait plus comme lorsqu’il l’avait fait si régulièrement avec Dorothy. Désormais tout ce qui était gris semblait pouvoir virer au noir et se décomposer à tout moment.

Tom se demandait combien de temps il bénéficierait encore de son coin de ciel bleu, de ses arbres en fleurs, des murs lumineux de son habitat. Même dans son quartier, les choses évoluaient, plus ou moins perceptiblement. Les rires des enfants se faisaient rares tant ces derniers jouaient peu dernièrement. La vie semblait s’être ralentie. Les gens voyaient ce qui se passait tout autour et n’étaient pas sereins. Sans doute craignaient-ils que la noirceur environnante ne les ronge à leur tour jusqu’à tous les engloutir.

Tom craignait surtout que les rêves de son hôte ne finissent par tourner aux cauchemars. Après tout, il ne savait plus rien de ce qu’il pouvait se passer sur la Terre. Il avait aussi estimé que son hôte était forcément privilégiée mais finalement il n’en savait rien. Les conditions de vie étaient déjà si compliquées sur Terre lorsqu’il l’avait « quittée » qu’il était fort peu probable qu’elles se soient améliorées entre-temps.

Autour de lui, quartiers gris et espaces blancs se succédaient dans une gigantesque mosaïque à perte de vue. Il se doutait bien que quelques zones colorées subsistaient au-delà de son champ de vision mais elles étaient devenues extrêmement minoritaires.

Tom se demandait comment on avait pu en arriver là. Comment le monde avait pu tourner aussi mal pour que l’on en soit réduit à trouver une échappatoire dans des pseudo-paradis somme toute bien artificiels. Etre injecté dans les méandres oniriques de personnes totalement inconnues dans l’espoir d’un semblant de vie meilleure, voilà où on en était.

Mais les gens ne pouvaient même plus rêver. Ils ne savaient même plus. Ils ambitionnaient seulement de survivre. Voire mourir pour certains. Un pessimisme au couteau qui semblait ne jamais devoir s’arrêter.

Tom pensait qu’il était de toute façon mieux là que n’importe où ailleurs. Maigre consolation mais il lui faudrait s’en contenter. Dans ce monde de plus en plus déséquilibré entre rêves et cauchemars, il n’avait prise sur rien. Sa propre vie ne lui appartenait plus. Peut-être mourrait-il demain. Ou dans un mois. Un an. Le temps était une notion vaine, si abstraite ici de toute façon.

C’est pour cela que Tom était bien décidé à profiter de chaque instant. Malgré le gâchis. Malgré les incertitudes. Malgré le vide alentour qui prenait inexorablement le pas sur tout le reste.

Il avait le luxe de voir une infime partie de ce monde en couleurs. De sentir le vent bruisser dans les feuilles des arbres. D’entendre le chant des oiseaux et le clapotis de désormais trop rares rivières. De baigner dans la lumière et d’éclatantes couleurs, aussi artificielles fussent-elle.

Tout ne manquerait pas de s'arrêter un jour. Mais en attendant, il lui restait de belles journées pour vivre.
Simplement vivre.

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vendredi 4 avril 2014

Chabouté, coup de coeur XXL




C'est toujours particulier de parler de coup de coeur pour un artiste confirmé qui ne vous a pas attendu pour faire son petit bonhomme de chemin. Mais pour moi, c'est une découverte et une vraie claque ! La galerie Huberty & Breyne (anciennement Petits Papiers) lui consacre une exposition vente à l'occasion de la sortie de son nouvel album adaptant le célèbre Moby Dick d'Hermann Melville. L'occasion de prendre quelques gifles en pleine face tellement c'est beau ! Je vous laisse admirer : 





Chabouté maîtrise le noir & blanc comme personne !  



Ses illustrations à l'encre de Chine et aux encres de couleurs sont un régal pour les yeux. La Nouvelle Orléans transpire à chaque touche de l'artiste. Superbe ! 





Les loups sont lugubres à souhait. Tout est dans l'atmosphère, tellement bien rendue.



Chabouté est tout aussi bluffant lorsqu'il se livre à quelques hommages.



Ce Mickey orphelin de son papa Walt Disney est un petit bijou. Mise en scène sobre mais si touchante. A chaque fois que je le vois, quelque chose se passe. Magistral ! 



Un Batman forcément très dark, style toujours épuré en apparence et total respect de l'essence même du personnage, encore une grande qualité de cet auteur taille patron.



La célèbre scène des Dupond(t) dans la deuche. Forcément culte !


Alors là, si on me prend par les sentiments. Dur, dur de résister... Gaston, le chat et la mouette devraient très vite trouver preneur mais à des prix autour de 1000 euros (ce qui reste "abordable" malgré tout, à mon avis), ce ne sera pas moi. En tout cas, entre lui et Mickey, mon coeur balance ! 

 J'ai bien compris la pose de ce Spiderman mais rien n'y fait, "l'absence" de jambe droite, même cachée, me gêne... Mais sinon, c'est superbe comme tout le reste ! 


Celui-là ne sera pas resté disponible longtemps et fera sûrement le bonheur d'un Tintinophile. Je ne suis pas un grand fan de Tintin mais cette réinterprétation d'une scène du Vol 714 pour Sydney (si je ne m'abuse) est saisissante ! 


Allez, on termine par un ultime hommage, celui de Chabouté pour deux personnages cultes, Calvin et Hobbes, dont le très discret papa, Bill Watterson, vient d'obtenir le grand prix du dernier festival d'Angoulême. Encore une fois, tout y est, on se croirait replongé dans les pages de ce comic strip incontournable.

J'ai pris un plaisir pas possible à découvrir Christophe Chabouté. J'espère que vous en aurez pris plein les yeux vous aussi ! N'oubliez pas de cliquer sur les images pour les voir bien en grand ! Et d'aller sur le site des Petits Papiers si le coeur vous en dit pour en voir toujours plus ! 

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