vendredi 28 juillet 2017

En trompe l'oeil (20)


©CDolls

Regarde-moi. C'est la fin. Désormais je me meurs. J'ai mis toutes mes forces dans la bataille. Je ne me suis pas laissé faire. Mes blessures sont là pour témoigner de la violence de l'affrontement. Mais le combat était par trop inégal. 

J'étais le dernier. Je me consume désormais comme tant se sont consumés avant moi. Une espèce à jamais éteinte comme tant d'autres, passées et à venir. Car ils ne s'arrêteront pas là, non, tu penses bien. Détruire pour détruire, ça ils savent faire. Et ils ne sont pas de ceux qui apprennent de leurs erreurs. 

Mais ils y passeront aussi. Peut-être seront-ils les derniers. Mais ils mourront. C'est ma seule certitude au crépuscule de ma vie. Comme moi, ils faibliront sous les coups. Ils livreront une vaine lutte. Acharnée, sanglante mais vaine. Puis, prostrés, incrédules jusqu'au bout, victimes de leur propre suffisance, ils tomberont en cendres comme je m'éparpille moi-même.

Ils y passeront parce que la Nature gronde. Elle souffle, crache, tonne, submerge. Elle vocifère sa haine des hommes et les engloutira tous. Elle compte ses morts. Ses territoires perdus. Ses espèces décimées. Elle nous vengera tous. Elle va vous reprendre avec une extrême violence tout ce que vous avez pris de force. On vit avec la Nature, on ne se l'approprie pas, on ne la modèle pas à loisir. On ne la maltraite pas impunément.

Regarde-moi mon enfant. Innocente victime, tu paieras pour ceux qui t'ont précédé et que tu chéris tant, sans même prendre la mesure du désastre qu'ils ont engendré. Innocente victime, tu pourrais désormais avoir les intentions les plus pures qu'il serait trop tard. Tu sembles tellement loin des préoccupations de ceux qui t'ont enfanté et qui ne t'ont rien laissé. 

Mon enfant, dans quelques instants, je m'évanouirai tel un profond soupir. Mes cendres dispersées seront alors l'unique et éphémère vestige d'une époque révolue. Et je ne pourrai plus rien pour toi.

Mon enfant, je crois que tu seras le prochain.

.

jeudi 27 juillet 2017

Le mystère du carton enfin résolu !



Depuis hier, un type un peu louche se trimbale sur Facebook avec un étrange carton sur l'épaule. Aujourd'hui, messieurs-dames, nous allons lever le voile sur cette énigme ô combien difficile à résoudre.


Règle n°1 : faire de l'espace et sécuriser la zone. On ne sait jamais.


Ne jamais relâcher sa vigilance ! On ne sait jamais ce qui peut surgir à tout moment. Une bête traquée n'a plus rien à perdre. Ça me rappelle un épisode de la série Ulysse 31. Ça vous parle ? Bon, toujours est-il que des pirates avaient cru bon d'ouvrir un coffre, cupides qu'ils étaient, dans lequel il y avait un serpent qui les avait pétrifiés dans la seconde ! Alors moi, je fais gaffe...


La tension est à son comble ! Un carton, une protection, une sorte de tube... Ce supplice serait-il sans fin ?


Ouf, pas de sale bestiole à l'intérieur, c'est toujours ça ! C'est quoi ? Un parchemin ? Un document classé confidentiel ? Une carte au trésor ? Il semble y avoir des codes couleurs. 


A ce stade, je sais que si je vais désormais plus loin, je ne pourrai plus jamais revenir en arrière. Ma vie risque d'en être totalement bouleversée. Suis-je prêt pour cela ? Pourquoi faut-il toujours que je me mette dans des situations pas possibles ?


Taaaadam ! Tremblant presque, je déballe et là j'arrête de faire le con parce que je ne vous dis pas les émotions qui m'ont envahi à la découverte progressive de cette oeuvre magnifique signée Jérôme Alquié. J'avais eu un aperçu avant envoi, scan à l'appui, mais Jérôme m'avait prévenu que ça n'avait rien à voir avec les sentiments qui se bousculent face à l'original. 


L'original permet surtout, outre sa beauté et la qualité de sa composition, de resituer l'oeuvre dans son échelle réelle puisque nous sommes ici sur du 70 x 50 cm. C'est ce qui m'a le plus impressionné : dérouler très progressivement l'oeuvre et découvrir peu à peu les visages magnifiques, impressionnants sous ce format, qui se dévoilaient à moi.


L'effet madeleine de Proust a fait le reste. Hormis Goldorak qui aura toujours une place bien à part, je pense que Ulysse 31 arrive juste derrière, dans un mouchoir de poche avec Albator 78. C'est dire la foule de souvenirs qui remonte. Jérôme Alquié livre là une illustration superbe, avec une composition qui fait la part belle aux personnages féminins de la série animée : Nanette, au coeur d'un épisode touchant où elle se condamne pour sauver Nono et les siens, Circé désespérément seule en haut de sa tour du savoir sans partage, Calypso, personnage clé de l'épisode du même nom, se sacrifiant pour sauver Ulysse d'une mort certaine (Qui n'a pas versé sa petite larme lors de cette scène culte où Ulysse la perd, tandis qu'elle redevient sable ?) et puis la petite Thémis évidemment, ici dans une position si caractéristique, apaisante et bienveillante.


Et puis que serait Ulysse 31 sans... Ulysse et son fils Télémaque ? Ulysse est ici représenté en tenue spatiale et je l'ai toujours adoré ainsi, avec son casque et son pistolet laser. J'ai notamment un excellent souvenir de l'épisode Charybde et Scylla où l'équipe doit affronter un robot à apparence humaine (du moins dans un premier temps) tandis que le vaisseau d'Ulysse est soumis à l'attraction des deux planètes, de glace et de feu. Je crois que cette passion pour sa tenue spatiale vient vraiment de là, même s'il y a eu évidemment d'autres apparitions de ce type.


Bref, je ne pouvais que craquer et je ne regrette vraiment pas de l'avoir fait ! D'autant que je voulais depuis longtemps une oeuvre de Jérôme Alquié qui a un talent monstrueux en même temps qu'une vraie gentillesse et une sincère disponibilité pour ses admirateurs. Je ne pouvais pas rater cette opportunité. Je suis HEU-REUX, merci Jérôme ! 


Je vous laisse savourer quelques détails de cette phénoménale illustration. J'ai fait ce que j'ai pu niveau photos, mon appareil n'étant pas top et le faible éclairage naturel n'aidant pas. Ce qui est sûr, c'est que les photos ne rendront jamais justice à l'original.










J'ai acheté un cadre bon marché en urgence mais le but est vraiment, à court terme, de permettre à cette oeuvre d'avoir l'écrin qu'elle mérite.


Heureusement, l'un de mes amis fait de supers encadrements ! Ici, il avait particulièrement bien mis en valeur mes marques -pages originaux d'André Chéret, le papa de Rahan. Je sais qu'il va faire ce qu'il faut pour Ulysse. Mais en attendant, pas question que l'oeuvre prenne la poussière ou autre saleté.


En attendant que l'illustration reste "à plat" et rejoigne son cadre provisoire, un peu de papier bulle pour éviter tout désagrément. On est maniaque ou on ne l'est pas. 

En tout cas, c'est l'arrivée du jour voire de l'année avec ma planche Epsilon de Jean-Yves Mitton. Maintenant je vais hiberner quelque temps pour éviter les tentations. Mais que je suis content ! 

.

vendredi 14 juillet 2017

Dans LEFEUVRE de l'action (3) : Comme une odeur de diable



Je clôture ici le triptyque consacré à Laurent Lefeuvre (en attendant de prochaines aventures) mais déjà je tiens à le remercier personnellement pour les très bons moments de lecture et de "cramage" de rétine qu'il m'aura fait passer (il semblerait que le mot cramage n'existe pas, eh bien moi je vais dire que si, vu qu'il traduit exactement le plaisir visuel que j'ai eu à quasiment chaque page). Quatre ouvrages et trois œuvres plus tard, le constat est sans appel : je suis fan. Donc Laurent, merci ! Je remercierais bien aussi Phil Cordier de m'avoir donné l'envie de franchir le pas, de par les savoureuses entrées consacrées à l'artiste sur son blog, mais il pourrait être lassé que je le cite donc, comme vous pouvez en témoigner ici, je m'abstiens.


Laurent Lefeuvre adapte les contes noirs, macabres, horrifiques, légendaires, ruraux (cochez les bonnes cases) signés de l'auteur centenaire Claude Seignolle que je ne connaissais ni d’Ève, ni d'Adam, pas même de nom. C'est peu de dire que, même si l'on ne peut regretter ce que l'on ignore, je serais vraiment passé à côté de quelque chose ! C'est un genre que je connais peu, il me semble que le seul ouvrage "de référence" que je possède soit L'année du Loup Garou, des nouvelles du maître Stephen King illustrées par le regretté Bernie Wrightson. J'avais certes adoré et je le parcours encore de temps en temps mais vous avouerez que niveau influences, c'est un peu maigre. Suffisant néanmoins pour savoir avant même de commencer ma lecture que j'allais être séduit. Et ça n'a pas loupé ! 


Est-ce le fait d'avoir enquillé quatre brillantes lectures en quelques heures ? Ou le fait que l'heure soit tardive (près de minuit lorsque j'écris ces lignes) ? Ou simplement une douce paresse ? Toujours est-il que je ne vais pas rédiger ce billet de façon classique mais je vais plutôt énumérer les points qui, selon moi, font de cet album une réussite totale. C'est un procédé qui vaut ce qu'il vaut mais qui devrait me permettre de ne rien oublier tant on tient ici une oeuvre majuscule, réunion de deux talents tout aussi impressionnants.


-L'univers de Claude Seignolle et surtout son style. J'adore ses tournures de phrase, les mots qu'il emploie, le ton et qu'il et les atmosphères qu'il façonne, son côté conteur passionné et passionnant. Je n'ai qu'une envie : avaler, que dire engloutir, toute son oeuvre, ce qui est un petit miracle en soi quand on sait que, hormis les BD, je ne lis plus guère aujourd'hui. De ce que j'ai pu voir sur la page Wikipédia de l'auteur, il a été très prolifique donc ce ne sera pas facile de faire des choix dans une oeuvre aussi foisonnante. Je pense dans un premier temps privilégier les recueils de nouvelles car c'est un format qui me convient mieux. Mais comme je ne veux pas non plus prendre le risque de rater quelques perles parmi ses romans, toute aide concourant à me permettre d'y voir plus clair sera la bienvenue.
-L'avant-propos brillantissime et passionnant de Pierre Dubois, auteur qui aime à se décrire comme elficologue, d'autant plus que c'est lui qui a créé ce néologisme. C'est d'un ton et d'une qualité d'écriture peu communs. Ce n'est pourtant pas mon genre de prédilection à la base mais impossible de ne pas se laisser happer par ce conteur hors-pair. Une soirée au coin du feu avec ces deux pointures-là, ça ne doit pas avoir de prix ! 

Pierre Dubois © Edouard Hue 2013

-Le travail de Laurent Lefeuvre : Je n'ai certes pas l’œil de Phil Cordier (ce nom vous dit quelque chose ?) pour livrer un ressenti technique sur le travail effectué par Laurent, notamment au niveau de l'encrage mais pas besoin d'être devin ni d'avoir le flair de Fox Boy pour sentir à quel point l'implication du dessinateur a été totale et inspirée. Chaque dessin est une oeuvre de méticulosité, de précision, de maîtrise, d'hommage respectueux à d'anciennes lectures de jeunesse, et le choix du N&B, seul choix possible selon moi, permet vraiment de se régaler des traits si variés de Lefeuvre. Car en plus de créer des univers sombres d'une cohérence absolue, de distiller des ambiances tout en opacité, ce dernier se permet de varier son style (et les plaisirs) d'un conte à l'autre. Il y a quelques pleines pages particulièrement savoureuses, comme celles mettant en lumière Claude Seignolle (mais pas que) mais l'ensemble de l'ouvrage regorge de dessins inspirés et de découpages savants contribuant à asseoir définitivement l'atmosphère voulue par l'auteur. C'est un bel objet graphique et littéraire mais c'est avant tout un très bel hommage, renforcé par l'édition de qualité de Mosquito.


Je vous laisse avec quelques-unes des critiques dithyrambiques concernant Comme une odeur de diable. Il m'arrive parfois de critiquer DBD pour leur côté consensuel (comme ils aiment tout ou presque et qu'ils ne veulent froisser personne, c'est compliqué niveau guide d'achat) mais là, l'article élogieux est plus que de circonstance.


Voilà. 4 lectures, 4 gifles. Avec ce sentiment d'une progression constante. D'un plaisir de lecture sans cesse croissant (même si, dans le cas précis de Comme une odeur de diable, il s'agit davantage d'une oeuvre à quatre mains). J'ai autant hâte de suivre la suite des aventures de Fox Boy que de nourrir l'espoir d'autres adaptations aussi inspirées que celle-ci. Je me risque rarement à découvrir de "nouveaux" auteurs dessinateurs, j'aime bien ma zone de confort et je suis de toute façon assez hermétique à bon nombre de productions BD actuelles. Mais là, ,j'ai été bien inspiré de franchir le pas. Et comme désormais Laurent Lefeuvre fait justement partie de cette zone de confort, c'est un artiste que je vais suivre de très près. Comme tant d'autres avant moi.

.

jeudi 13 juillet 2017

Dans LEFEUVRE de l'action (2) : Fox Boy 1 & 2





On continue dans les méandres de l'univers de Laurent Lefeuvre avec Fox Boy que j'ai adoré jusqu'au bout de ces deux tomes qui s'attardent sur la genèse de ce héros pas comme les autres. Je suis bien content de n'être "que" lecteur lambda et pas critique spécialisé es BD car j'aurais bien été incapable de pondre un billet structuré sur tout ce que je viens de lire. Je peux juste dire que c'est énorme, que j'ai pris un pied pas possible, que c'est malin et bien fichu comme tout, que c'est bourré de clins d’œil et de références, que tous les tiroirs qui s'ouvrent ont une explication démontrant que rien n'est laissé au hasard, que c'est beau, dynamique, prenant, varié... Je continue ?


Evidemment, me concernant, Fox Boy, surtout dans son deuxième volume, prend une saveur toute particulière de par les passerelles qu'il s'autorise avec Tom et William, BD référencée dans le billet précédent. C'est un vrai plus d'avoir fait ce voyage avant mais avoir loupé le coche n'est pas rédhibitoire non plus. Mais il y a une telle cohérence entre les deux œuvres qu'il serait dommage d'en occulter une par rapport à l'autre.


Toujours me concernant (et l'avantage de Fox Boy est bien de proposer un plaisir de lecture dépendant aussi de nos propres influences), la naissance de ce héros a des similitudes certaines avec l'univers de Spiderman : une certaine maladresse dans l'utilisation de pouvoirs nouvellement acquis (dans des conditions nébuleuses remarquablement expliquées dans le deuxième arc du tome 2), un personnage clé qui fait à la fois office de Flash Thompson (de par son rapport initial au héros) et de Gwen Stacy (avec la prise de conscience de ce qu'un grand pouvoir implique). On peut même, toutes proportions gardées cette fois, faire un parallèle entre l'indifférence affichée par le héros face à la détresse d'une enfant qui lui semble anodine lors d'une vacance de ski en Auvergne et la même indifférence chez l'homme-araignée lorsqu'il laisse filer un malfrat sans imaginer les conséquences que cette non-intervention entraînera.
Je parle de Spiderman parce que c'est un personnage qui a beaucoup compté pour moi mais je pense qu'il y a des références vis à vis de tout type de personnage de son enfance. Et puis, les pouvoirs qui sont synonymes de responsabilités, c'est un peu universel tout de même.



La force de Laurent Lefeuvre -et le risque aussi- est d'avoir proposé sous le masque du héros un ado détestable au possible pour lequel il n'est pas possible d'avoir de l'empathie au départ, à moins de se situer soi-même dans la catégorie des fouteurs de merde assumés. Pol a des facilités à l'école en n'en fichant pas une, est d'une arrogance pas possible, fait preuve d'une cruauté assez prononcée vis à vis de ses têtes de turc et reste globalement asocial en toutes circonstances. L'évolution d'un tel personnage est passionnante à suivre car tout sauf évidente au départ. Et elle fonctionne remarquablement.

L'auteur réussit encore un dosage quasi-parfait des genres. On est emporté de bout en bout, il y a de l'action, des moments d'intimité, de l'humour (le type qui veut s'affirmer en tant que nouvel héros en devenir mais qui prend quand même sa DS au cas où il s'emmerderait entre deux actes héroïques, je trouve ça juste décalé comme il faut et bien fendard).

Et puis la réussite de Fox Boy réside aussi dans la capacité de Laurent à distiller des atmosphères maîtrisées de bout en bout. A ce titre, l'aventure en Auvergne est un modèle du genre. L'auteur exploite les éléments (neige, brouillard, froid glacial) avec un tel à-propos que cet univers hostile, nocturne de surcroît, étreint tout au long de l'épisode.


Avec un scénario prenant, sans aucune baisse d'intérêt ou de rythme, avec un dessin et un encrage très séduisants et des couleurs superbes (bien plus à mon avis que dans Tom et William), Fox Boy est pour moi un must absolu. J'ai longtemps attendu avant de me lancer dans les univers barrés de Laurent Lefeuvre, d'une part parce que j'ai moi-même un retard de lecture conséquent dans mes séries habituelles et d'autre part parce que j'ai un peu lâché l'univers des comics et que j'hésitais à y revenir. Bien m'en a pris ! Vivement la suite ! (même si les deux tomes clôturent le cycle de la genèse des pouvoirs de Fox Boy)


Demain, le triptyque consacré à Laurent s'achèvera avec son nouveau bébé : Comme une odeur de diable, adaptation BD de contes noirs signés Claude Seignolle. Tout un programme !
.

mercredi 12 juillet 2017

Dans LEFEUVRE de l'action (1) : Tom et William



A partir d'aujourd'hui et jusqu'à vendredi, zoom sur 3 albums signés Laurent Lefeuvre pour lesquels je ne reculerai devant rien, pas même devant les jeux de mots bien pourris donc parfaitement assumés tel le titre un poil bancal de ce billet. Pardon Laurent.

Je ne connaissais rien de Laurent Lefeuvre mais à la seule vue de la couverture de Tom et William, j'ai su que son univers serait en phase avec le mien, celui d'un enfant dans sa bulle. J'ai observé cet enfant plongé dans sa lecture, j'ai scruté les héros qui étaient les siens dans le ciel et je me suis dit : "Je vais me plaire ici".


Difficile de raconter l'histoire sans trop en dévoiler. Tom est un enfant solitaire, mais non par choix, qui trompe son ennui en se délectant de lectures de comics découverts par hasard dans le cabanon de ses grands-parents. Ces BD appartenaient à son père et il y a a chez le petit Tom autant de plaisir à se plonger dans des histoires passionnantes qu'à "reprendre le flambeau" de lecture du père, tel un héritage précieux puisque ce dernier est mort.
Les problèmes commencent à pointer le bout de leur nez lorsque les héros des BD prennent vie, amenant avec eux leurs Némésis. Chaque héros est alors synonyme de danger pour Tom et les personnes qu'il va croiser tout au long de son aventure, à commencer par son nouvel ami William, son seul véritable confident et probable progressive figure paternelle.


Le scénario est malin (très) même si j'avoue ne pas avoir maintenu une attention maximale tout le long. J'ai particulièrement apprécié le début, notamment la façon dont Tom et William s'apprivoisent, ainsi que la rencontre savoureuse avec le premier héros barré de l'histoire, Günnar le barbare. J'ai aussi beaucoup aimé la variété des péripéties, du fait de la diversité des héros et des "méchants" attitrés, témoignage aussi de la richesse des influences de l'auteur, bien que ce dernier ait bien évidemment pris des libertés avec ses propres souvenirs : les petits formats présentés ici sont fictifs mais ils n'en représentent pas moins une réalité de cette époque et, à ce titre, le journal de bord qui clôt l'album est une petite madeleine de Proust délicieuse. Dernièrement, Trondheim et Keramidas avaient opté pour le même type de clin d'oeil pour leur fantastique Mickey : the craziest adventures mais chez Lefeuvre, l'hommage est poussé à l'extrême, du fait que ces petits formats soient l'essence même de l'ouvrage. Sans eux, pas d'histoire. Enfin, les émotions sont savamment dosées : de l'aventure, de l'imaginaire, de l'humour, de la tension, de la complicité... Beaux ingrédients pour une belle recette au final.

Néanmoins, j'ai un peu moins adhéré à la fin, estimant pour ma part que les masques tombaient un peu vite et de façon un peu abrupte surtout. J'ai également moins apprécié la vie en communauté dans le fort. Chez moi, la page 30 a ainsi créé une vraie rupture de lecture, je ne saurais pas réellement expliquer pourquoi avec précision, sans doute du fait de la présentation très classique mais très expédiée pour le coup des nouveaux personnages : prénom, profession, âge, contexte... Je n'ai pas du tout adhéré au procédé que j'ai personnellement trouvé maladroit, j'avais l'impression de me retrouver dans une enquête policière où on passerait en revue les suspects. Du coup, à trop y réfléchir, j'ai un peu perdu le fil à ce moment là avant de reprendre le train en marche.


En dehors de cela, j'ai passé un très bon moment de lecture et le dessin m'a beaucoup séduit aussi, hormis des décors un peu vides parfois, peut-être un choix délibéré de l'auteur quand on voit le détail qu'il est capable d'apporter par ailleurs à de multiples reprises dans l'album. J'ai aimé l'expressivité des personnages, la mise en scène générale, nerveuse dans les moments de tension et tout aussi inspirée dans des séquences plus intimistes (celles de la nuit notamment), la palette des couleurs (surtout en intérieur), le travail incroyable sur le rendu des fausses couvertures et j'en passe...



Indépendamment de ma propre appréciation de cette BD, je suis surtout heureux qu'elle existe. Ce n'est pas tous les jours qu'une oeuvre tourne autour de l'imaginaire, des univers que l'on se crée, de l'importance de nos lectures et de notre enfance. Selon notre propre vécu, Tom et William aura plus ou moins d'impact, mais elle ne laissera personne indifférent. Du haut de mes 45 ans, je revendique haut et fort ce besoin d'avoir une bulle bien à moi, un refuge fait de rêves et de personnages merveilleux. Evidemment, la bulle se fripe davantage désormais face aux réalités de l'extérieur. Mais elle est toujours là, merci à Laurent de nous le rappeler. 


Gamin, j'avais deux certitudes. Qu'à force de poser mes doigts sur les murs, ils finiraient par adhérer et que ce serait le début de ma carrière de Spider-man. Qu'à force d'attendre dans la cour de mon école, les yeux rivés vers le ciel, Actarus viendrait me chercher pour l'aider à sauver la Terre des forces de Véga. 
Je vais peut-être toucher à nouveau quelques murs désormais...

.

mardi 4 juillet 2017

Comics Signatures n°2


C'est pas vraiment beau une bouche qui bave, mais je crois que, comme ça, je m'en sors pas mal

Après nous avoir gâtés avec un Comics Signatures n°1 de toute beauté en octobre 2015 consacré à Spiderman, après avoir provoqué la jouissance quasi collective et simultanée de l'ensemble de ses lecteurs en signant un ouvrage de tout premier ordre sur le regretté Jean Frisano en novembre 2016, Neofelis Editions remet le couvert en sortant un Comics Signature n°2 rempli jusqu'à la gueule de délicieux moments de lecture. à un tarif imbattable au regard de la qualité de ce qui est proposé, mais aussi de la quantité puisque ce ne sont pas moins de 32 pages supplémentaires qui nous attendent en comparaison avec le n°1 pour 16€ au lieu de 15€ précédemment. Un tarif quasiment à l'identique assez miraculeux quand on connait les coûts de production / fabrication d'ouvrages à "faible" tirage et tout en couleurs (800 exemplaires, 200 pour la variant cover façon Strange Spécial Origines, 600 pour l'autre, toutes deux signées Chris Malgrain). Bref, vous en aurez largement pour votre argent ! 

 La couverture "classique" imprimée à 600 exemplaires

J'étais impatient de recevoir ce volume 2 (livraison très rapide et soignée comme d'habitude, soit dit en passant) afin de savoir quel intérêt serait le mien face à un sommaire non uniquement dédié, contrairement au volume 1, à un seul personnage de l'univers Marvel, mon préféré de surcroît. Dans ce Comics Signatures n°2, on a du John Byrne (surtout), des X-Men (beaucoup), du Spidey, de l'Iron Fist, du Superman, de la Division Alpha, une interview du dessinateur qui monte, Chris Malgrain, une rubrique Jouet Culte consacré à Rom, le Chevalier de l'Espace et un bonus BD de quelques pages pour clore le numéro. Bref, de nombreuses thématiques que je connais et apprécie et quelques unes qui me sont moins familières (Superman) voire presque étrangères (Iron Fist dont j'ai du lire, ado, une poignée d’aventures, sans en garder grand souvenir, ou Chris Malgrain dont je ne connais pas bien l'oeuvre)

C'est là que le savoir-faire des rédacteurs de Comics Signatures prend toute sa dimension, dans la capacité des auteurs à nous emmener dans leurs mondes qui sont souvent aussi les nôtres mais pas nécessairement, à nous captiver, à partager leur passion, à réellement informer par des sources pointues ou des anecdotes vraiment méconnues ou inconnues du grand public. Pour moi qui en suis resté aux années Strange et qui le revendique haut et fort, ce voyage dans le temps n'a pas de prix. Alors quand en plus on apprend à chaque page ou presque, quand la nostalgie fonctionne à plein régime, on navigue dans une sorte de béatitude salvatrice. Bref, je ne vais pas me livrer à une litanie de superlatifs tous plus élogieux les uns que les autres, mais, comme à chaque fois, je me suis régalé. L'équipe de Neofelis Editions a encore frappé et ça commence vraiment à faire mal un peu partout sur le corps. Et comme on est maso, on y revient toujours, avec le même plaisir coupable !  


Allez, petit passage en revue des rubriques principales dans le but de me livrer à un petit récapitulatif (non exhaustif) de toutes les choses que j'ai aimées et de quelques menues réserves toutes personnelles (sachant que,vraiment, l'ouvrage est somptueux, tant sur le fond que la forme)

-La création des X-Men, par Jean Depelley. 
C'est pointu au possible, avec parfois la nécessité d'y revenir avec toutes ces références mais qu'est-ce que c'est bon ! J'ai notamment trouvé passionnantes les sources d'inspiration des auteurs qui font vraiment comprendre combien la création d'un personnage n'est en rien le fruit du hasard. Brillantissime ! Le reportage met également bien en lumière les liens parfois tendus entre collaborateurs qui ne se font pas nécessairement de cadeaux.

-X-Men, Cockrum, la renaissance, par Didier Klinger.
L'article est plaisant à lire, enthousiaste et léger, et tout ce qui peut rappeler Dave Cockrum à notre bon souvenir est une bonne chose. Cela donne envie de relire les épisodes concernés car, personnellement, j'ignorais beaucoup de choses concernant le rôle de ce dessinateur sur les X-Men, que j'associais plutôt à Spider-Woman. Il faut croire que les péripéties de Jessica Drew dans Nova m'avaient particulièrement marqué... 
Par contre, à mon sens, l'introduction n'est pas à la hauteur du reste.

-L'ère Claremont / Byrne sur les X-Men, courte mais foisonnante, et remarquablement expliquée par Phil Cordier. J'aurais peut-être privilégié une approche par arcs principaux plutôt que d'égrener un à un les Spécial Strange concernés (encore que cela revienne un peu au même) mais l'article est un réel puits de connaissances dans lequel on plonge avec délectation. Un de plus. Je me suis régalé.

-Phoenix : l'histoire secrète, par Thierry Mornet. Belle mise en page qui ne facilite pas la lecture mais néanmoins adaptée à cet article plutôt court qui retrace les étapes majeures de l'évolution de Jean Grey qui deviendra Phoenix jusqu'au dénouement que l'on sait. Un billet clair et très agréable à lire.

-L'araignée en France, par Eric Vignolles. L'article a un peu peiné à m'embarquer au début, surtout lorsque, sur une demi-page, on nous explique le choix des épisodes de lancement de la série dans Fantask 4 et 5. Mais tout le reste est passionnant et, du fait d'une parution tronquée, la chronologie Fantask / Marvel est extrêmement pertinente pour rendre parfaitement compréhensible l'arrivée du tisseur dans nos contrées dans le contexte de l'époque. Comme quoi, Spidey en a parcouru du chemin avant de pouvoir asseoir sa célébrité sur des bases solides ! 

-Le gros dossier sur John Byrne, juste énorme : le plaisir d'en apprendre davantage sur l'homme et ses œuvres,  de retrouver la Division Alpha, série essentielle pour moi mais tellement accessoire, voire à oublier, pour Byrne, de découvrir son Iron Fist et le travail de documentation sur les arts martiaux, de se remémorer les femmes peuplant ses univers (même si le titre de l'article emprunté à L5 fait encore mal à mes oreilles). Dommage par contre que son travail sur les FF et Namor soit juste évoqué mais c'est probablement en prévision d'un futur complément à ce dossier déjà fort fourni (62 pages tout de même !). Deux petites critiques toute personnelles si je peux me permettre : 
1) Les multiples renvois en bas de page concernant l'article sur Iron Fist cassent vraiment le rythme de lecture, de façon presque rédhibitoire pour moi. Vu leur nombre, je me demande s'il n'aurait pas été possible de directement les intégrer au texte principal. 
2) Une petite déception quant à la mise en page de l'article sur la Division Alpha, déséquilibrée dans son mélange textes et illustrations. Surtout au regard du reste, parfait par ailleurs.

Je ne m'étends pas sur les trois dernières "rubriques" de l'ouvrage (l'interview sympa de Chris Malgrain, vrai fan de Byrne, le jouet Rom par Olivier Bonnard et la BD de Jean-Marc Lainé et Thierry Olivier). C'est juste que je m'y suis personnellement moins intéressé, je les ai plutôt survolées, même si, concernant Rom, l'enthousiasme d'un fan trouvant enfin le Graal est forcément communicatif.

Voilà. J'ai refermé le livre. Momentanément. Car de par sa richesse, les possibilités de relectures sont infinies. Frédéric Stephan Stokman et toute l'équipe de Neofelis Editions ont une nouvelle fois franchi le mur de l'excellence et proposé un ouvrage à leur image : exigeant, pointu, accessible, passionné, passionnant et, comme toujours, infiniment respectueux de ses lecteurs. En un mot : indispensable ! 
.