vendredi 24 janvier 2020

Ric Hochet T4 :Tombé pour la France



Je n'alimente plus guère ce blog en ce moment mais je ne pouvais pas ne pas parler du nouveau Ric Hochet, Tombé pour la France, qui, comme les trois tomes précédents (RIP Ric, Meurtres dans un jardin français, Comment réussir un assassinat) est un excellent cru. Et comme je l'avais lu deux petits jours après sa parution le 10 janvier, je m'y suis replongé cet après-midi avec délectation avant de venir vous en parler. Attention, il y a quelques menus "spoilers" pas bien importants (dans le sens où je ne révèle pas vraiment ce que l'on va y trouver mais plutôt ce qui ne s'y trouve pas) mais vous voilà prévenus ! 

Je l'ai dit et répété : j'aime beaucoup le respect de Zidrou et Simon Van Liemt pour le matériau d'origine. Ils ont brillamment saisi tous les codes du Ric Hochet de Duchâteau et Tibet et, une fois qu'ils se les sont appropriés, ils sont parvenus avec intelligence et malice à dynamiser une série qui peinait à se renouveler, tout en l'ancrant dans sa période "âge d'or" de la fin des années 60. La narration est fluide et bourrée de clins d’œil ou de jeux de mots un peu faciles mais pleinement assumés que n'aurait pas renié Tibet. Le dessin de Simon Van Liemt est dynamique avec une mise en scène inspirée et rehaussée par la mise en couleurs de Cerminaro. Au fil de ces nouvelles histoires, des pans de la "mythologie" originelle Ric Hochet se rappellent à notre bon souvenir. 

Cette fois, c'est au tour du père du héros, Richard "Coeur de Lion", malfrat et fugitif à ses heures, d'être malgré lui le point de départ de l'aventure. Alors que Ric Hochet passait pour être orphelin, le père qui refait surface oblige le journaliste de la Rafale, accusé du coup de désertion, à effectuer son service militaire, non sans avoir été préalablement été viré par son employeur qui a peu goûté d'apprendre que l'un de ses journalistes avait un père repris de justice.

Ric Hochet se retrouve ainsi entre les quatre murs d'une caserne pour une durée prévue de 16 mois. Il aura fort à faire avec des gradés bien décidés à lui en faire voir (d'autant plus que l'ami Ric a un rapport tout particulier avec la discipline), des camarades de chambrée parfois inamicaux et, bien évidemment, un meurtre à résoudre.

Là encore, c'est un scénario extrêmement malin. Mettre Ric face à ses obligations militaires dans ce contexte là d'un père "retrouvé", il fallait y penser ! Du coup, Richard est quelque peu sacrifié sur l'autel de cette nouvelle histoire en quasi huis clos (il n’apparaît presque pas) alors que je pensais au contraire que le personnage serait plus exploité. De même, le meurtre au sein de la caserne a des motivations qui n'ont rien à voir avec la présence de Ric Hochet dans les lieux alors que je m'attendais à ce que ceux qui l'avaient conduit là cherchent à le supprimer de l'intérieur. Attention, je n'ai pas été déçu mais surpris. Et être surpris en cours de lecture, c'est forcément aussi ce que l'on attend d'une BD. Surtout d'une série qui nous est aussi familière.


Sans trop en dévoiler, la singularité de ce meurtre et l'ambiance de sa résolution donnent à ce tome un cachet  et une atmosphère tout particuliers. L'album alterne moments de bravoure, d'angoisse, d'humour et d'émotion, livrant une partition d'une variété remarquable. Nadine prend du galon et c'est à elle que l'on doit les moments les plus drôles de l'histoire (sa réflexion un brin utopiste sur les machos ou l'échange bref mais tordant qu'elle a avec un gendarme alors qu'elle vient de se faire arrêter à 200 km au volant de la Porsche de Ric). L'intrigue sait aussi émouvoir, notamment dans sa résolution, avec une thématique abordée qu'il faut remettre dans le contexte de l'époque. 

Bref, c'est un tome que j'ai beaucoup aimé et qui rend d'autant plus difficile l'attente du tome 5. Le prix à payer pour prendre un pied pas possible pendant quelques dizaines de minutes entre deux longues périodes à ne rien se mettre sous la dent. Un tome futur qui, je l'espère, rappellera à notre bon souvenir des éléments évoqués dans les quatre premiers tomes mais pas creusés ou irrésolus (la période apparemment trouble de Bourdon, le mystérieux Nyctalope, le personnage de Richard forcément amené à prendre de l'épaisseur, la fameuse "commission de censure du 16 juillet 1949" dont il est un peu dommage, si je devais émettre une petite réserve, qu'elle n'ait pas vraiment été expliquée ou réellement contextualisée dans ce tome 4...) 

Entre ces points obscurs à éclaircir et l'inspiration sans borne de Zidrou, mêlée à la maîtrise de plus en plus affirmée de Simon Van Liemt aux dessins, la série a assurément encore de très beaux jours devant elle. Elle le mérite amplement.