lundi 29 mai 2017

Fred.Ian, un duo en quête d'humanité



The Eye Doctor Strange Portrait © Fred.Ian
80 x 120 cm

Heureusement que j'avais dit à Fred que je ne lui emprunterais "que" quelques œuvres. Sauf que pour les choisir, j'ai parcouru l'ensemble de sa galerie (et encore, je me suis restreint aux parties "Vintage Heroes" et "Heroic Portraits" parmi les diverses thématiques de son site, espace sur lequel je reviendrai d'ailleurs). Et de piqûre de rappel en piqûre de rappel, puisque je connaissais la plupart des œuvres, le choix d'une sélection resserrée s'est avéré complexe. Et vu comme le duo est prolifique, il a bien fallu trancher. Déjà, les 3 premières toiles présentées ici sont mes préférées. Je vais donc les évoquer un peu plus en détail avant de vous parler de Fred.Ian à proprement parler.

Si je devais trancher, ma favorite serait la représentation du Docteur Strange, un personnage que je connais finalement assez peu, le genre de gars que l'on va consulter quand on est aux prises avec des forces occultes qui nous dépassent. Voilà. Oui, c'est réducteur mais c'est probablement tout ce que je pourrais dire du docteur. Mais la toile est d'une telle beauté, le mysticisme qui s'en dégage est tel, le sens du détail et le choix des couleurs sont si bluffants que l'on ne peut que se prosterner devant le résultat final. Je ne vous parlerai pas de qualité technique, je n'y connais rien, mais que c'est beau ! Je n'aurais jamais imaginé que l'on pouvait arriver à un tel degré de détail avec de la peinture à l'huile (technique de l'ensemble des œuvres présentées ici et véritable savoir-faire propre à Fred).



Storm African Goddess © Fred.Ian
100 x 100 cm

Avec Storm / Tornade, je suis déjà davantage en terrain connu puisque j'ai beaucoup lu les X-Men, surtout dans les années 80. Ororo, maîtresse des éléments est ici représentée, en tout cas c'est mon interprétation, en osmose complète avec la nature, aspect renforcé par sa nudité nullement gratuite ici mais utilisée à très bon escient. La nature de l'environnement et la nature du corps ne font plus qu'un. Les mouvements graciles d'Ororo rajoutent à la majesté de l'ensemble. J'ai un peu de mal à trouver les mots justes, difficile de traduire précisément des émotions mais c'est une oeuvre magnifique. Tant que je me comprends, c'est l'essentiel.



Sweet Sixties' Black Widow vintage portrait © Fred.Ian
80 x 80 cm

La veuve Noire (Black Widow) est une création toute récente et j'ai eu un vrai de coup de cœur. Elle vient de trouver preneur et je suis bien certain que son propriétaire (je précise pour ceux qui s'inquiètent de l'état de ma collectionnite aiguë que ce n'est pas moi) ne regrettera pas cette superbe acquisition. Tout est bien vu : la pose, les couleurs, les effets sur la combinaison, la beauté du visage et du regard, le côté vintage avec ce fauteuil des années 60 ou 70 et les motifs donnant la sensation d'assister à un générique d'époque de James Bond. Graphiquement, je trouve la composition parfaite. Niveau réalisation, à part déverser une corne d'abondance de superlatifs, je ne vois pas.



Storm "Not a Goddess Anymore" © Fred.Ian
62 x 92 cm

Voilà pour mon tiercé de tête. Je ne vais pas me livrer à une description en bonne et due forme de l'ensemble des œuvres sélectionnées ici. Sachez simplement que toutes ont su capter mon attention, bien au delà de la simple fascination que l'on pourrait avoir pour le personnage choisi. D'ailleurs, globalement, même si je connais les personnages au moins de nom ou de représentation, certains me sont étrangers. Mais là n'est pas l'important. Ce que j'aime, c'est qu'il y a toujours un détail qui rend l'oeuvre irrésistible : le rendu de l'eau et du visage pour Aspen Matthews, le visage d'Emma Frost, la composition hallucinante et flippante à souhait de Freddy, l'effet madeleine de Proust immédiat de MJ Watson qui semble nous dire "Tiger" quand on la regarde, l'hypnotisant regard de Poison Ivy, la ressemblance incroyable de Christopher Reeve etc. Les détails qui ont de l'importance pour moi ne seront probablement pas les mêmes pour vous, ou peut-être que si, mais qu'importe... Ces œuvres s'adressent à tous, selon notre sensibilité, nos rapports avec les personnages choisis et le côté "super-héros", terme si galvaudé, s'efface devant la fragilité et les fêlures de ceux qui les incarnent. Fred explore l'humanité de ces êtres pour la plupart confrontés à des pouvoirs qu'ils n'ont pas choisis et avec lesquels ils doivent composer, que ce soit en bien ou en mal. Les toiles nous parlent parce qu'elles n'ont rien de spectaculaire, si ce n'est par la qualité de leur réalisation. Elles ont par conséquent une charge émotionnelle forte.


 Aspen Matthews Portrait © Fred.Ian
120 x 60 cm

En plus des toiles présentées ici, vous pourrez en admirer des dizaines d'autres sur le site de Fred.Ian et constater combien les œuvres sont variées : Vintage Heroes et Heroic Portraits donc, mais aussi Regards, Portraits de Songes et Bestiaire. Mais assez parlé de peintures proprement dites. Car derrière tout ce travail, il y a deux hommes. L'un dans la lumière, l'autre davantage dans l'ombre mais c'est bien de travail commun dont il est question ici. 

 Emma Frost as The Hellfire Club's White Queen © Fred.Ian
50 x 100 cm

Fred, c'est l'artiste peintre, le type aux pinceaux d'or qui nous en met plein la vue. Dans un entretien accordé au forum Marvel's Collection & Customs, il expliquait avoir à la fois fréquenté différentes écoles d'art (études d'architecture et de stylisme notamment) et être un parfait autodidacte dans la technique qu'il maîtrise le mieux et qui constitue l'essentiel de son approche : la peinture à l'huile. D'ailleurs, la peinture est arrivée plus tardivement bien que, aussi loin qu'il s'en souvienne, Fred ait toujours dessiné.


 "Give me five" Freddy Krueger life-size Portrait © Fred.Ian
50 x 190 cm

Details



L'autre membre indissociable de ce binôme créatif, c'est Ian. Il accompagne, épaule, conseille, prépare les poses des modèles indispensables au réalisme de la composition finale, gère la logistique, l'organisation des expositions bref tout ce qui peut à la fois compléter le regard de Fred et lui permettre d'être pleinement focalisé sur son art pictural.

 At work - Work in progress (UFO Robot Grendizer) © Fred.Ian
60 x 90 cm

Pour chaque projet, les deux hommes discutent, entament des réflexions, se livrent à une recherche documentaire poussée, échangent leurs ressentis, se remettent en question, évoquent leurs doutes pour repartir de plus belle avec la même exigence commune : remettre au centre de leur travail, de leur approche, l'importance des émotions humaines, en revenant aux sources même des personnages qu'ils se réapproprient. Il n'y a plus de représentation héroïque mais simplement des failles au quotidien. Et ce sont ces failles qui font précisément de ces personnages plus ordinaires qu'il n'y parait des super-héros.


 Mary-Jane Vintage Portrait © Fred.Ian
40 x 60 cm

Avec du recul, c'est un peu étonnant que je n'aie jamais consacré plus tôt un billet à Fred.Ian. Il est vrai que, étant moins en phase avec le mode des comics et son évolution, j'avais un peu déserté le forum qui m'avait pourtant permis de faire connaissance avec Fred. Y revenir ponctuellement m'a permis de me refamiliariser avec ces œuvres et surtout de reprendre un plaisir pas possible à les regarder. J'espère que ce plaisir sera partagé par la plupart d'entre vous.


 Vénéneuse (Poison Ivy) © Fred.Ian
40 x 60 cm

Pour le prolonger, vous avez les options suivantes : 
- le forum Marvel's Collections & Customs pour peu que l'univers Marvel vous intéresse un minimum quand même

On ne pourra pas m'accuser de ne pas être exhaustif ! Bon rinçage de mirettes à tou(te)s ! 


 Icons : Superman / Christopher Reeve © Fred.Ian
50 x 65 cm

Et merci à Fred de m'avoir donné carte blanche concernant l'utilisation des œuvres présentées ici.
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vendredi 26 mai 2017

Mana Neyestani, l’œil du dessinateur de presse


Toutes les illustrations issues de Tout va bien
© Mana Neyestani
© Arte Editions
© Ça et Là Editions

Il y a encore deux semaines, j'ignorais tout de Mana Neyestani, ce dessinateur de presse iranien qui finit emprisonné par le régime de son pays avant de fuir l'Iran pour la Malaisie puis la France. A ce titre, je ne saurais trop vous conseiller l'excellent article du Monde signé Hamdam Mostafavi qui retrace le parcours hors-norme de Mana Neyestani.

A l'occasion du festival Printemps au Proche Orient 2017, une exposition et une conférence en présence de l'artiste furent organisées sur Périgueux. Il ne m'a pas été possible de m'y rendre, je l'ai bien regretté, encore plus maintenant que j'ai parcouru ce pavé de 400 pages et de 200 dessins, mais ma librairie attitrée, Les Bullivores, avait profité de l'occasion pour mettre en avant ses ouvrages, bien en vue près de l'entrée. Du coup, je me suis procuré Tout va bien et c'est peu de dire que j'ai pris une claque. Neyestani a non seulement un coup de crayon prodigieux au service d'un humour noir et d'un sens de l'observation peu communs, mais il a surtout un talent phénoménal pour trouver le dessin qui appuie là où ça fait mal, là où ça remue, là où impuissance et nausée se mêlent. Malheureusement, Mana Neyestani ne sait que trop bien de quoi il parle et ses œuvres en quête de liberté, d'égalité, d'espoir ont forcément un écho particulier lié à son vécu. Tout ce qu'il pointe du doigt est choquant pour tous ceux qui, comme moi, n'ont pas connu de régime totalitaire alors je ne peux même pas imaginer la souffrance que ce doit être de coucher des dessins autant en prise avec sa propre existence ou celle de ses compatriotes, bien au delà du seul cadre de l'Iran d'ailleurs puisque cet ouvrage est une diatribe illustrée contre l'oppression d'où qu'elle émane.

J'ai sélectionné quelques-uns des dessins de presse de Mana Neyestani, j'aurais pu en choisir tellement d'autres tant ils ont tous sans exception une charge émotionnelle et historique forte. Cet ouvrage rappelle aussi, si cela était encore nécessaire, que réfugiés et migrants sont avant tout des hommes et des femmes déracinés luttant pour leur vie et en aucun cas des envahisseurs ou des profiteurs. Un peu de liberté, est-ce trop demander quand on a tout perdu ?
Il va de soi que je recommande hautement ce recueil. Après, chacun fait comme il l'entend. Mais bon.

La Syrie fait peu de cas du sang versé. Le dictateur Bachar El-Assad revient souvent dans l'ouvrage. L'image est terrible mais tout est dit. Effrayant tout autant que remarquable.

La perte de l'enfance, ou la difficulté de la préserver, souvent avec de la maltraitance en toile de fond, est un thème récurrent chez Neyestani. Là-encore, je suis bluffé par sa capacité à illustrer une réalité aussi monstrueuse avec une telle efficacité. C'est terrible et tellement bien vu.

Difficile de garder une part d'innocence dans un pays d'oppression régi par les armes.

L'art de se donner bonne conscience... Ce dessin est terrible mais il résume bien ce que le monde est devenu... Plus désabusé et cynique, pas possible... mais tellement juste.

Avec les remous provoqués par le canular d'un pourri du PAF que je n'ai même pas envie de citer tellement il me fait vomir, ce dessin prend une dimension encore plus particulière. Pas besoin d'aller en Iran ou en Syrie... Même dans les pays dits civilisés et démocratiques, des fous sont lâchés et font du dégât.

Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir pour des lendemains qui chantent. Si au moins, une fois le soleil noir couché, il pouvait y avoir une accalmie...

Franchement, je me répète mais... comment Mana Neyestani fait-il pour avoir cet "œil" ? Ou comment détourner des mots pacifiques en dessein militaire...

Ne le dites surtout pas avec des fleurs. Ou l'incapacité de convaincre de l'aberration de sans cesse se combattre.

L'enfance perdue toujours, ou condamnée. Il y a quelque chose d'inexorable dans ce dessin, de perdu d'avance. La manipulation de l'innocence d'un enfant incapable de se défendre.

Vous reprendrez bien encore un peu de soleil ?

Après la prison, point d'issue ? Comment vivre dehors quand on a passé tant de temps dedans ?

Neyestani a signé ce dessin à l'occasion de la Journée Internationale de la femme. Des personnages bonhommes, une approche humoristique voire légère... mais pas de souci, le message passe et est d'une limpidité absolue.


Dans l'ouvrage, la page de gauche donne le titre du dessin de la page de droite. Parfois des précisions contextuelles sont rajoutées et ici ces explications rendent ce dessin extrêmement émouvant. Si ce soldat pouvait se laisser attendrir... Un enfant ne voit pas le mal partout, et surtout pas là où il se trouve. Mais laissez-moi rêver...

Les couleurs sont rares dans les dessins de presse de Neyestani mais toujours utilisées avec parcimonie et à bon escient. Derrière la lumière apparente, la réalité se rappelle à nous, implacable.

Avoir au moins l'illusion d'être heureux, juste un peu. Même si, pour cette famille comme des milliers d'autres, le nœud de l'oppression se resserre déjà.

La relève n'est visiblement pas assurée. Vue du militaire, c'est assez réjouissant. Et avec un angle d'attaque original, comme toujours.

Éclaircie en trompe l’œil 

Quand les adultes ferment toutes les portes aux enfants. 

J'adore celle-ci. Mana Neyestani, c'est aussi une poésie immense ! Superbe bulle d'air qui fait du bien ! 

Les enfants innocents d'aujourd'hui, les libérateurs de demain ? Neyestani manie aussi l'optimisme. Pas souvent car la situation ne s'y prête que rarement et il est avant tout un observateur lucide de son temps. Mais quand ça arrive, ça fait du bien ! 

Un problème, une solution ? En tout cas l'équation semble équilibrée. Restent les chaînes...
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Les dessins  de mana Neyestani rappellent quand même beaucoup le trait du regretté Claude Serre. Si l'humour de ce dernier était moins engagé et plus porté vers l'absurde, la noirceur était aussi de mise. Et Serre avait aussi cet "œil" qui rendait ses œuvres d'une pertinence absolue. Et quel talent de dessinateur ! Je ne possède qu'un seul de ses ouvrages, Serre... Vice compris, mais je vais combler prochainement cette lacune, bien que je pense avoir lu l'essentiel de sa production. 




Si le dessin de Neyestani me semble proche de celui de Claude Serre, difficile également de ne pas rapprocher l'auteur iranien de Franquin et de ses idées noires. Plus que l'utilisation exclusive du noir, ce sont surtout les thèmes abordés par le génial dessinateur belge qui me font émettre ce parallèle : les injustices sociales, l'oppression, la guerre et une sainte horreur des militaires... Les deux artistes ont beaucoup en commun de par le regard qu'ils portent sur une société à la dérive, malgré deux vécus forcément incomparables. Neyestani est plus un témoin et observateur quand Franquin n'est "qu'un" observateur. Il n'empêche que les deux œuvres sont remarquables.





jeudi 25 mai 2017

Yooka Laylee, retour aux sources de la plateforme !




Il y a 20 ans, le studio anglais Rare révolutionnait le monde de la plateforme en proposant un must have absolu du jeu vidéo sur la Nintendo 64 : Banjo Kazooie puis sa suite toute aussi réussie Banjo Tooie. Un univers coloré, aux mondes immenses pour l'époque, plein de choses à faire, plein d'items à collectionner, des mini-jeux, des quiz, un humour décalé, un langage improbable culte, des personnages tous plus barrés les uns que les autres, une réalisation aux petits oignons, des bruitages cartoonesques et j'en passe. A l'époque, c'est peu de dire que j'avais passé un excellent moment.


Puis, après un ultime tour de force (l'irrévérencieux Conker Bad Fur Day, tout aussi culte, toujours sur la N64), le studio Rare est progressivement rentré dans le rang, pas aidé par son rachat par Microsoft qui a peu à peu éparpillé façon puzzle les créateurs talentueux de cet âge d'or du jeu vidéo. Banjo Kazooie a bien tenté un retour via un 3e opus mais l'équipe avait alors accouché d'un jeu dénaturant complètement la licence et le genre même de la plateforme, sans parler d'une jouabilité exécrable. Bref, une déception énorme.


Heureusement, certaines pointures de l'équipe originelle de Rare  se sont retroussées les manches et ont décidé d'offrir aux fans de la première heure un jeu qui serait un vrai retour aux sources. Un jeu à l'ancienne pleinement assumé qui reprendrait tous les codes de Banjo Kazooie pour les transférer à un nouveau duo. Exit Banjo l'ours et Kazooie l'oiseau, place désormais à Yooka le caméléon et Laylee la chauve-souris. Pour le reste, rien ne change ou presque.


Yooka Laylee a plutôt été tièdement accueilli par la critique. En gros, pas un mauvais jeu mais tout en moins bien en comparaison avec Banjo Kazooie. Un jeu qui pomperait allègrement tous ses mécanismes de jeu sur son grand frère sans se renouveler. Un jeu qui manquerait d'un complément d'âme, notamment dans son humour moins percutant qu'à l'accoutumée. Un jeu à la jouabilité un poil vieillotte. Bon.


Sauf que l'intention était claire dès le départ. Le studio voulait rendre un hommage appuyé à un genre aujourd'hui tombé en désuétude. Il s'adressait donc en priorité aux gens comme votre serviteur qui a baigné là-dedans 20 ans plus tôt. Peut-on reprocher à des artistes de talent de recycler des recettes qui ont fait leurs preuves alors que c'est le but même de leur démarche ? Alors oui, le jeu ne plaira pas à tous. Il a un côté vintage dans sa jouabilité, avec ses problèmes récurrents de caméra, sa découverte progressive des différents mondes, la collectionnite aiguë de ses items... Alors oui, il laissera probablement les nouveaux joueurs sur le bord de la route. Mais si on le prend pour ce qu'il est, un vibrant hommage à une période révolue, un bond dans le passé, c'est un excellent jeu ! 


Déjà, le jeu est très agréable à regarder, très joli, très coloré. Le design des personnages, principaux comme secondaires, est plus ou moins inspiré mais globalement c'est pas mal et l'expressivité cartoonesque est au rendez-vous. Les missions sont nombreuses, malgré un nombre de mondes assez restreint. Mondes qu'il est possible de développer au fur et à mesure que l'on progresse dans le jeu, pour une rejouabilité accrue. Bref, le jeu n'est pas aussi court que l'on voudrait bien nous le faire croire, loin s'en faut, et il y a réellement de quoi faire, surtout si on vise le 100 %.


Les rencontres pittoresques ne manquent pas et il y a même des clins d’œil savoureux, comme la présence de Shovel Knight, autre personnage emblématique du jeu à l'ancienne, qui a récemment subi lui-aussi un lifting salvateur tout en gardant les spécificités de l'action / plateforme en scrolling horizontal. Quand on vous dit que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs confitures...


Cela dit, oui, il y a quelques frustrations. La première est que, jouant bien moins qu'avant, je dois davantage m'y reprendre à plusieurs fois avant de remplir les missions. Je veux dire par là que si la jouabilité est aux petits oignons, elle devient désormais moins intuitive pour moi du fait d'un manque de pratique et d'habitude. Du coup, je peste sans trop savoir si c'est dur ou si je suis mauvais. La seconde concerne les mondes bien plus ouverts qu'auparavant. Du coup, si les diverses missions restent globalement bien scriptées, il n'est pas rare de se perdre dans les méandres d'un niveau, surtout lorsque celui-ci dévoile complètement ses zones secrètes, et donc de multiplier des allers-retours parfois inutiles. L'accès aux divers mondes est également plus ou moins évident à mettre à jour.


Mais malgré ces imperfections, je me régale. Je n'y passe pas trop de temps, juste quelques moments épars dans la journée, je vais à mon rythme, j'avance, je stagne, j'avance encore. Surtout je prends du plaisir. Chaque pagie récoltée (nom de l'item principal qui récompense la réussite d'un challenge) est une petite satisfaction personnelle. C'est certes futile mais il n'y a pas de petit plaisir.


Je persiste et signe : Yooka Laylee est un grand jeu. Pas simplement pour sa valeur intrinsèque. Mais parce qu'il a été conçu par une équipe soucieuse de revenir, le temps d'une délicieuse madeleine de Proust  à un âge d'or aujourd'hui passé de mode. Rare a soigné son bébé, a respecté ses fans de la première heure, et rien que pour ça, je leur suis reconnaissant. Yooka Laylee n'aura jamais l'aura d'un Banjo Kazooie, ne serait-ce que parce que l'effet de surprise n'est plus de mise alors que Banjo Kazooie avait révolutionné le genre à une époque pourtant pas si lointaine où les moyens engagés n'étaient que les prémisses des prouesses techniques actuelles. Prendre un tel risque de revenir aux fondamentaux est si culotté en soi que, rien que pour ça j'applaudis des deux mains.


Dommage que certains testeurs de jeux vidéo soient désormais si blasés pour ne pas prendre la pleine conscience du cadeau que nous fait ici Rare. Le jeu n'est pas un chef d'oeuvre. Il n'est pas exempt de défaut. Mais simplement, il existe. Et pour tout ce qu'il fait remonter à la surface, juste un mot à l'adresse des petits génies de Rare : merci ! 

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