lundi 23 mars 2015

Kronos par Jean-Yves Mitton



Il fallait être vigilant entre août 1988 et janvier 1989 pour ne pas rater la mini-série Kronos publiée dans les pages de Titans 115 à 120. Signée Jean-Yves Mitton, papa entre autres de Mikros et d'Epsilon, Kronos bénéficie aujourd'hui d'une réédition remarquable sous la bienveillance de l'éditeur Original Watts. Il faut dire qu'entre cet auteur talentueux et prolifique et l'éditeur, c'est une belle aventure qui dure avec, déjà, une superbe réédition de L'Archer Blanc et également la parution de Spécial Origines Sup'Héros compilant l'ensemble des personnages créés par Mitton avec des dessins spécialement réalisés pour l'occasion.

Mitton et Original Watts remettent donc le couvert avec Kronos. Deux versions disponibles, une classique à 29 euros (500 ex) et une collector estampillée Tirage de Tête à 59 euros (250 ex). C'est cette dernière que je vais vous présenter ici.



J'ai vraiment un appareil photo pourri qui n'aide pas mais la version Tirage de Tête se pare d'un coffret rigide noir du plus bel effet. Hé, un bel ouvrage comme ça ne se refuse rien ! Très classe en tout cas même si, histoire de chipoter, j'aurais aimé qu'il soit personnalisé aux motifs de la série plus que de l'éditeur. Mais c'est bôôô ! 



Le coffret s'ouvre et laisse apparaître la bête. Un livre somptueux. Un effet Madeleine de Proust immédiat presque 30 ans après. Le format A4 (donc légèrement supérieur aux standards comics) est parfait pour (re)découvrir l'histoire dans les meilleures conditions de lecture, sur un papier de qualité évidemment.

Voici une planche extraite de Kronos (trouvée sur le net, pas envie d'abîmer mon exemplaire, hého !) pour vous montrer le parti pris très judicieux de l'éditeur : du N&B seulement rehaussé du bleu du personnage principal. Ce genre de choix ne fait jamais l'unanimité mais ici je le trouve vraiment pertinent. Et la petite touche de couleur apporte un vrai plus. Bref, je suis fan de cette initiative et, comme disent les Dupont(d), c'est mon avis et je le partage. A noter également que chacun des six chapitres de la saga est précédé de la couverture du Titans correspondant. Par contre, en réponse à une question de mon pote Jean-Louis, l'ouvrage ne comprend "que" les épisodes parus dans Titans. Il n'y a pas de "nouvel" épisode qui aurait été dessiné par Mitton à l'occasion de cette réédition. Que du vintage, mais quel vintage ! 



Les pages de garde bénéficient de volets illustrés et là encore, ça en jette ! Le sommaire respecte vraiment celui de la revue Titans de l'époque. On est réellement dans l'esprit de ce que furent les éditions Lug dans les années 70 et 80. 


Allez, on passe désormais aux bonus propres à cette édition. Hormis le beau coffret décrit plus haut, on a l'incontournable certificat d'authenticité, numéroté et signé par Mitton. Là-encore, la photo ne rend pas justice à la beauté du certificat, imprimé sur du papier Chromolux argenté du plus bel effet.


Sur ce dessin "promotionnel" (peut-être commun aux deux versions, je ne sais pas), une petite coquille s'est glissée. Je veux bien croire que tout ça ne nous rajeunit pas mais quand même ! Le "retour" de Kronos était certes attendu, mais depuis 25 ans plutôt que 35 ! Un sacré bail de toute façon ! 





On termine ce tour d'horizon avec les trois derniers bonus propres à l'édition collector : deux ex-libris (celui de Mikros est particulièrement classe, sur le même papier argenté que le certificat) et un poster couleurs 28x40.

Vous l'aurez compris : à titre personnel, j'ai vraiment été emballé par le travail conjoint de Original Watts et de Jean-Yves Mitton (que je ne désespère pas de rencontrer enfin un jour tellement c'est un grand Monsieur de la BD). Une réédition attendue et extrêmement soignée. J'émettrai quand même une réserve, personnelle là-aussi, concernant la partie "annexes et dessins inédits" annoncée sur la fiche produit de l'ouvrage sur le site de Original Watts. Il y a certes les reproductions de six planches originales et une intervention de Mitton resituant Kronos dans son contexte mais je m'attendais à un peu plus, genre crayonnés ou essais sur les divers personnages. Mais vraiment, pas de quoi bouder son plaisir pour autant, l'ouvrage me paraît indispensable, quelle que soit la version choisie. Il l'est d'autant plus que ressortir des titres anciens est aussi une prise de risque. Delcourt patauge un peu avec sa réédition de Mikros dont on ne sait pas encore avec certitude si elle sera achevée ou sous quelle forme. Quant à Epsilon, c'est devenu silence radio auprès du même éditeur. Bref, vu qu'on a avec Kronos une réédition de toute beauté sur une série assez méconnue de son auteur, ce serait dommage de passer à côté ! 

Je vous laisse, Zaar et Aliah m'attendent ! 

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mercredi 4 mars 2015

RIP Ric : Renaissance ou enterrement de première classe ?


(cliquez sur les images pour agrandir)

Depuis la mort de Tibet en 2010 (déjà 5 ans ! ) et la quasi retraite ( mise à la retraite ?) d'André-Paul Duchâteau, j'appréhendais et souhaitais en même temps le retour de Ric Hochet. 

Appréhendais parce que d'une part les deux papas du célèbre détective avaient déjà bien tiré sur la corde pour un total de 78 enquêtes dont le dernier tiers traînait franchement la langue et que je ne voyais donc pas bien quelles possibilités il restait à explorer. Parce qu'il est parfois souhaitable qu'un héros ne survive pas à ses créateurs. Parce qu'enfin rien ne dit que, malgré la lassitude et les incohérences des ultimes histoires, l'herbe soit plus verte ailleurs. Ric Hochet est, quoi que puissent en dire ses détracteurs, un monument de la BD franco-belge qui a fait les beaux jours du journal Tintin et que reprendre le personnage et son univers reste une gageure.

Souhaitais parce que ce personnage m'a accompagné pendant tellement d'années qu'on a du mal à se résoudre au mot fin. Les personnages me manquent, les intrigues, même tarabiscotées, me manquent, les atmosphères policières teintées d'un léger soupçon de fantastique parfois me manquent. Tibet me manque. Souhaitais aussi parce qu'un hommage, quel qu'il soit, reste une entreprise louable. Au début des années 2000, Ric Hochet n'était plus le succès éditorial de sa grande époque et Le Lombard prend aussi un risque (calculé quand même) en "ressuscitant" son héros. 


Du coup, je me suis jeté sur la revue L'Immanquable et ses prépublications pour avoir un avant-goût de ce que la nouvelle équipe aux commandes, Zidrou au scénar et Simon Van Liemt aux crayons, nous avait concocté.

Avant toute chose, je dois avouer que concernant Ric Hochet, je me considère comme un puriste et qu'a priori je ne suis pas friand des artistes qui se réapproprient un personnage emblématique d'une époque, aussi révolue fut-elle. Les deux planches ci-dessous montrent le Ric Hochet de Tibet et j'ai la nostalgie de ce dessin-là, avec sa part de douce désuétude et la technique de ligne claire (traits "simples", aplats de couleurs). J'aime ce qui se dégageait des décors de Desmit ou Brichau. J'aime le sens du mouvement et de la mise en scène de Tibet, surtout dans la première moitié de l'oeuvre gigantesque qu'est Ric Hochet. J'aime ne connaître l'identité de l'assassin qu'à la toute dernière page des enquêtes. Bref, je n'aime pas l'idée que l'on touche à l'un de mes personnages de BD préférés, malgré le manque auquel je faisais référence plus haut.



Et bien, je dois reconnaître que les 14 premières pages (Pour le reste, je vais devoir prendre mon mal en patience puisque la prépublication s'étalera sur 3 ou 4 revues mensuelles L'Immanquable avant que la BD "RIP Ric" ne sorte véritablement fin mai) ont été une très agréable surprise. J'espère vraiment que la suite sera du même tonneau et on aura alors un album indispensable. Les deux planches ci-dessous donnent une idée de la patte graphique de Van Liemt. On est bien loin de Tibet mais étrangement cela ne me gêne pas le moins du monde, ce qui est déjà un petit miracle en soi me concernant. La mise en scène est séduisante, le dessin a du cachet bien qu'il reste particulier à mon sens, le travail sur les ombres et les couleurs a du charme bref je suis vraiment content de cette découverte. Mais c'est surtout du côté du scénario de Zidrou que mon cœur balance. L'intrigue est bourrée de références aux anciens Ric Hochet, jusqu'à la représentation de la stagiaire du journal La Rafale, clin d'oeil évident à Edith, la secrétaire coupable du tome 16, Requiem pour une Idole. Zidrou a, de plus, deux excellentes idées : faire se confronter Ric à celui qui fut son tout premier adversaire dans la série originelle : le Caméléon. Et installer son intrigue dans le Paris de la fin des années 60, ce qui lui permet de repartir sur de bonnes bases par rapport à l'année de création de la série (1955) et de s'assurer ainsi que Ric Hochet et son microcosme garderont un charme un peu rétro, sans la surenchère de progrès technologiques qui handicapait fortement les dernières histoires du duo Tibet & Duchâteau qui avait un peu de mal à composer avec l'évolution technologique à l'aube des années 2000. Au moins, avec ce parti pris assumé, le problème ne se posera plus.




Je pourrais encore longtemps parler de ce coup de cœur mais n'ayant vu que la partie désormais émergée de l'iceberg, j'attendrais de connaître la suite puis la fin avant de donner une opinion définitive. Mais cela part tellement bien qu'une pirouette scénaristique non maîtrisée en fin d'intrigue serait un écart impardonnable. Donc je veux résolument croire que le reste est du même tonneau et que je vais prendre un pied pas possible jusqu'au bout. J'espère surtout que cet album aura un beau succès critique et commercial. Que ceux qui ne connaissaient pas Ric Hochet vivront une belle découverte. Que ceux qui ont suivi les péripéties du journaliste détective, avec parfois une pointe de déception dans les yeux lors des ultimes fournées, se réconcilieront avec un personnage définitivement indispensable. En tout cas, Zidrou a montré ici un respect de chaque instant pour le matériau originel, bien servi par le trait surprenant de prime abord mais plein de promesses de Simon Van Liemt. Chapeau bas, les gars ! Allez, je vous laisse avec une curiosité. deux planches du dessinateur Wozniak qui avait été un temps pressenti pour reprendre le flambeau. Je ne sais pas pourquoi Le Lombard a finalement opté pour une autre équipe mais je trouve vraiment que son travail avait un charme fou et qu'il était d'ailleurs pour le coup beaucoup plus fidèle à l'esprit de Tibet. Mais c'est probablement une autre histoire...