mardi 29 novembre 2016

Jean Frisano, une vie d'artiste : l'hommage XXL



Lorsque Frédéric Stokman a dévoilé il y a quelques mois que le prochain ouvrage de Neofelis Editions serait consacré à Jean Frisano, je ne suis pas certain qu'il ait mesuré l'engouement extraordinaire que cette annonce allait provoquer. Quelques centaines de colis amoureusement confectionnés plus tard, il peut être fier du succès de ce très beau livre. Car c'est un ouvrage magnifique ! Et comme en plus d'être superbe, il est extrêmement complet, que demander de plus ?



Pour ceux qui vivraient sur une autre planète, ou qui ignoreraient tout du monde des comics, Jean Frisano est un peintre dessinateur illustrateur génial qui, durant les années 70 et 80, a émerveillé tous les mômes et les ados qui, comme moi, dévoraient les Strange, Nova, Spécial Strange et j'en passe... Il a, en effet, signé un nombre impressionnant de couvertures de ces revues.


Si les oeuvres de Jean Frisano liées aux comics sont restées intemporelles, avec une place bien à part chez les adultes que nous sommes désormais, l'homme, lui, restait un mystère. Un mystère qu'il entretenait certes en fuyant les mondanités mais qu'il subissait aussi pour des raisons qui sont très bien expliquées dans le livre et que je ne dévoilerai pas ici. 



D'ailleurs, je ne vous dirai rien sur le contenu de l'ouvrage, hormis ces quelques clichés amateurs car, pour avoir eu le plaisir de la découverte (ma femme m'a même dit que j'avais les yeux qui pétillaient à la lecture), il n'est pas question que je gâche celui de quelqu'un d'autre. "Ne fais pas ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse" comme dit l'adage.


Ce que je peux dire en revanche, c'est qu'après avoir posé le bouquin, Jean Frisano n'aura plus aucun secret pour vous. L'ensemble est très exhaustif, toujours passionnant, et on apprend réellement à chaque page. Il y a sans nul doute un boulot de dingue derrière cette mine d'informations. Le travail de Philippe Fadde, bien aidé par la disponibilité de Thomas et Sylvia Frisano qui n'ont pas été avares en archives comme en anecdotes, est remarquable ! Neofelis ayant mis un soin tout particulier à peaufiner la mise en page, le résultat est clairement supérieur aux attentes.


Car si je savais que Neofelis pouvait faire de bien belles choses (j'avais notamment adoré leur Comics Signatures consacré à Spider-Man), je ne m'attendais pas à un tel niveau d'excellence. La mise en page est très agréable et bien pensée dans ses thématiques, l'ensemble est d'une clarté absolue, la qualité des reproductions est de (très) haute volée, tout ceci sur un papier du plus bel effet (même mon flash ne s'en est pas encore remis).


J'aurais aimé avoir des réserves, trouver un petit truc sur lequel pinailler mais je ne trouve pas. Je ne pense pas qu'il soit possible de faire mieux. C'est sûrement faux, la perfection n'existe sans doute pas, mais je ne trouve rien à redire à la qualité de ce petit bijou d'édition. 


Aujourd'hui, je suis juste un mec hyper heureux, avec probablement un sourire benêt sur le visage. J'ai dit à certains de mes proches que "Jean Frisano : Une vie d'artiste" était LE livre que j'attendais en 2016. Il est probablement le livre tout court. Et le pire, c'est que je n'exagère même pas. J'ai même fait le tour de mes bibliothèques pour être sûr.



Le fait de ne pas beaucoup en dire sur le contenu frustrera peut-être certains de mes (quelques) fidèles lecteurs mais c'est vraiment un ouvrage qui se découvre, page après page, oeuvre après oeuvre, avec délectation, envie et gourmandise. Si vous avez connu ces couvertures il y a 30 ou 40 ans et si la madeleine de Proust opère chez vous comme elle a opéré chez moi, vous allez vivre un moment très intense.




Il existe 3 packs : l'ouvrage seul, l'ouvrage avec le Comics Signatures 1 bis (qui prolonge le plaisir en "ressuscitant" entre autres le Courrier des lecteurs, et enfin le pack intégral avec un poster inédit double-face (le choix de Tarzan, que je ne comprenais pas vraiment prend tout son sens à la lecture du livre). Il y avait même un tiré à part pour les 100 premières commandes, forcément épuisé en quelques heures.


Bien évidemment, c'est un achat hautement recommandé ! Être (ou avoir été) passionné de comics est un plus mais Jean Frisano s'est essayé à tellement d'autres univers picturalement parlant (cinéma notamment) que ne pas s'y connaître n'a rien de rédhibitoire. Enfin, il me semble, avec toute l'objectivité dont j'essaie de faire preuve. Pas facile quand on a pris une telle claque


Si vous êtes intéressé pour l'offrir, vous l'offrir, vous le faire offrir, n'hésitez pas à consulter la page Facebook de Neofelis Editions ou leur site (http://www.neofelis-editions.com/ ). Frédéric Stokman se fera un plaisir de bichonner vos colis. Je parle en connaissance de cause ! 

Ceci étant dit, j'y retourne ! Une première lecture en amène forcément d'autres...
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jeudi 24 novembre 2016

En trompe l’œil (17)



L'homme était là, pensif, regardant sans réellement la voir l'étendue bleuâtre au pied de la falaise qu'il dominait. Le soleil baignait son corps d'athlète sans qu'il n'en ait cure. Non, ses pensées étaient ailleurs. Il avait beau ne pas vouloir les fixer - non, ils n'auraient pas le plaisir de le voir les observer - ces maudits plaisanciers étaient au centre de ses préoccupations. Ils étaient là sur leurs bateaux, à tournoyer dans la baie tels des requins avides de sang. Ils étaient là à se disputer l'espace, toujours plus nombreux, toujours plus intrusifs, toujours plus sans-gêne. 

Le regard de l'homme fixait toujours l'eau au pied de la falaise. Cette fois, il la voyait vraiment. Et il se sentit mal. C'était le seul endroit qu'il avait trouvé pour piquer une tête sans se la fracasser contre l'un des bateaux environnants. Alors que seulement quelques années auparavant, il aurait pu plonger de n'importe où et se baigner à loisir, aujourd'hui les mètres cubes d'eau disponible se comptaient sur les doigts d'une main. Il hésitait. Cela lui paraissait jouable mais le bateau qui semblait se diriger vers lui risquait de fausser l'équation. C'est pas possible, pensait-il, t'as pas assez de place au large où trimbaler ta tribu, blaireau ?

- Mouais, c'est pas mal mais je t'ai connu plus inspiré. Et il se passe quoi, après ?
-Ben, le mec, il hésite à piquer une tête, vu le peu de place qu'il a. Non, parce qu'en fait, ce que tu dois comprendre, c'est qu'il y a en fait beaucoup plus de bateaux que ceux que l'on voit sur la photo ! Donc, l'atmosphère est hyper anxiogène, tu vois. Le mec, il veut juste se tremper la tête et il peut pas, donc au bout d'un moment il pète un câble, il est en plein delirium tremens, genre il imagine que la crique est un plateau de bataille navale géant et qu'il dégomme tous les bateaux un à un en les pointant simplement du doigt,  genre "touché, coulé", tu vois et...
-Mais je ne pige pas bien... C'est une baie ou une crique ?
-Maaaaaais on s'en fout, putain ! ! !  C'est l'idée de la bataille géante qui est géniale ! Qui s'attendrait à ça, hein ? Ou alors, le gars, il plonge et bam, il se fracasse la tête contre un yacht, il saigne abondamment et à la vue du sang il devient fou, il se transforme en requin sanguinaire et avec ses dents monstrueusement acérées, il déchiquette un à un tous les bateaux présents et les plaisanciers.  A la fin du carnage, comme il saigne toujours, il s'excite tout seul et s'auto-bouffe. Un truc bien gore ! Dans un registre où on ne m'attend pas du tout, tu vois ! Ça sent le billet "nanar" donc forcément culte ! 
-Mais c'est très con...
-Oui bon, mais t'as vu la photo aussi ! Je pars de loin quand même ! En plus, on est en novembre avec un temps de merde... Les photos de vacances en plein cagnard, tout le monde s'en fout à cette période de l'année ! Un Apollon en moule-bite perché à plusieurs mètres du sol, tu voudrais que j'en fasse quoi ?
-T'es pas inspiré, quoi... et t'as pas osé te défiler, hein, avoue ! 
-Note bien quand même le happy end ! L'endroit retrouve sa quiétude d'antan. Écologiquement, j'envoie un message fort et tendance ! Un billet gore mais engagé ! 
-Tu vas faire un bide, je te dis...
-Pffff,.. Tu as gagné, je ne dis plus rien, voilà, t'es contente ?
-Il n’empêche qu'il est nul ton billet...

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dimanche 20 novembre 2016

J'ai lu... Ric Hochet : Meurtres dans un jardin français



Il y a un peu plus d'un an, j'avais dit tout le bien, ici mais également , que je pensais du Ric Hochet cuvée 2015. Une vraie claque prise en pleine face, alors que le puriste que j'étais craignait franchement le pire. Mais Zidrou (au scénario) et Simon Van Liemt (au dessin) allaient faire voler en éclat toutes mes appréhensions en m'offrant de surcroît un des mes meilleurs moments de lecture de l'année. Je ne vais pas refaire le film, il vous suffit de vous rendre sur les billets correspondants.

Tout naturellement, le duo, qui avait eu la lourde tâche l'an passé de succéder aux indéboulonnables Tibet & Duchâteau, remet le couvert dans une aventure non dénuée de charme, vénéneuse à souhait (superbe idée que de faire venir la mort d'où serait censé émaner la séduction) et très agréable à parcourir. Pour le reste, je ne dévoilerai rien, pas même le pitch. 

Soyons honnête, j'ai néanmoins pris un peu moins de plaisir que pour la lecture du premier tome. Les clins d’œil sont moins nombreux (ou je les ai moins relevés) mais en même temps, c'est normal, le tome 1 avait pour but de convaincre les puristes tout en séduisant de nouveaux lecteurs et de montrer que Zidrou connaissait bien son affaire concernant le microcosme de Ric Hochet. C'était en quelque sorte un tome d'installation, avec des piqûres de rappel, forcément avec une place un peu à part. Je veux dire par là qu'à mon sens, Rip Ric, titre du premier tome, aura certainement durablement ma préférence quelle que soit la qualité des tomes à venir.

Avant de continuer, je veux dire que ce billet est le ressenti d'un lecteur. Je ne suis pas journaliste et encore moins critique BD. Mes réserves ne concernent que moi et ne remettent en aucun cas en cause la qualité de cet album que j'ai par ailleurs beaucoup (et sincèrement) apprécié. A titre tout personnel donc, j'ai été déçu à deux niveaux, à chaque fois d'un point de vue du scénario. Le sort réservé au personnage de Nictalope tout d'abord m'a laissé un goût d'inachevé, renforçant l'impression de trouble voire d'incompréhension concernant son rôle (et ses limites) dans cette affaire. Et puis le mobile des meurtres, dans une thématique géopolitique certes d'autant plus crédible et bien documentée qu'elle a existé, mais qui, pour moi, en tant que lecteur de longue date, ne sied pas vraiment à l'esprit de la série Ric Hochet. Voilà pour les deux petites réserves sur cet album, mais pour le reste, j'ai beaucoup aimé : le cadre du Jardin du Luxembourg, l'originalité de la mise en scène des meurtres, la personnalité du principal coupable, le parfum de séduction, même si mortel, qui est dans l'air, l'aisance de Zidrou à faire vivre ses personnages, qu'ils soient de premier ou de second plan etc. 

Au niveau du dessin, c'est un peu compliqué de dire que Simon Van Liemt a encore progressé puisqu'il est un dessinateur confirmé alors que je n'y connais rien ou si peu. Mais je suis encore davantage bluffé par la qualité de sa mise en scène, la richesse des plans, le dynamisme de l'ensemble. Si je voulais vraiment pinailler, cher Simon, au cas où vous me liriez, non, définitivement non, même par grand vent, Ric n'aurait pas pu atterrir sur le tas de sable, vu son angle de chute. Mais c'est bien tout ce que je pourrais relever, et encore, vous l'avez compris, c'est une boutade. Bref, je ne veux pas m'étendre mais sur certains réseaux sociaux ou autres forums, j'ai lu des choses parfois assez agressives sur le travail de Simon Van Liemt, sous le seul prétexte que son style est aux antipodes de celui de Tibet. J'étais moi-même très attaché à ce style. Mais quand la réappropriation est à ce point respectueuse, quand le dessin est à un tel niveau de qualité, pourquoi faire un mauvais procès au dessinateur ? Pour ma part, je mesure simplement la chance que j'ai de pouvoir continuer à lire des Ric Hochet, avec un plaisir renouvelé, ce qui n'était pas gagné. Je ferme la parenthèse, défendre Simon Van Liemt n'était sans doute pas utile, il n'en a sans doute pas besoin, mais j'y tenais tant je trouve le procédé limite vu la qualité de travail proposée. Cet aparté étant fait, je persiste et je signe : le dessin sied parfaitement à la série.

Difficile de conclure ce billet un peu foutraque (j'ai bien fait de préciser que je n'étais qu'un lecteur lambda avec des ressentis plutôt que de réelles critiques) mais il va de soi que je conseille fortement l'acquisition de ce deuxième tome qui a le charme fou du précédent malgré les petites réserves énoncées plus haut. Alors oui, je ne suis pas objectif, je dispose désormais des 80 tomes existants de la série, je souhaite qu'elle dure encore longtemps, mais vraiment, ne boudez pas votre plaisir. En attendant le tome 3 qui est déjà dans les tuyaux et dont le titre, Comment réussir un assassinat, peut vraiment laisser présager du meilleur. 

Allez, un coupable en toute dernière page et mon bonheur sera total...

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mardi 1 novembre 2016

En trompe l'oeil (16)


Je ne prends jamais d’auto-stoppeurs. C'est un principe, peut-être de vieux con, mais c'est un principe : je ne prends jamais d'auto-stoppeurs. On ne sait jamais sur quoi on peut tomber. C'est vrai quoi, ils ont bon dos, l'altruisme, l’entraide, le "et toi, tu voudrais qu'on te laisse en rade ?" et j'en passe. Moi, je ne veux pas partager ma zone de confort avec un parfait inconnu et j'assume ! Ben oui, ma caisse, c'est ma zone de confort, j'y suis bien, j'y tolère ma femme à condition qu'elle ne la ramène pas trop mais je garde le contrôle. J'aime le bordel qui y règne, la saleté de la carrosserie parce que, oui, je ne sais pas utiliser les foutus jetons des stations de lavage et je vous emmerde, le silence seulement couvert par le souffle de la climatisation et par la douceur de mes mélodieuses insultes envers mes congénères automobilistes inadaptés, les trajets baignés de solitude... En substance, j'aime ma caisse aussi proportionnellement que je conchie les auto-stoppeurs.

Je devais être en mode brouillard intense lorsque, pour une raison que je ne m'explique toujours pas, j'ai accepté de conduire cette nana jusqu'à Lyon.  Depuis quand un pouce levé, ça me fait de l'effet, à moi ? Il s'est passé quoi l'espace de cet instant où le "Tu peux rêver, chérie" que je m’apprêtais à siffler entre mes dents s'est mué en "Allez, c'est bon, montez !" ?

Sauf qu'il y a une chose que je supporte encore moins qu'un auto-stoppeur en bord de route, ce sont les pieds. J'ai une sainte horreur des pieds, je trouve ça d'une laideur sans nom, ça marche toute la journée, ça cloque, ça pue, ça garde la crasse entre ses petits orteils musclés, ça panarise au moindre bout d'ongle ou de peau arraché. Visuellement, c'est moche, même avec les extrémités peinturlurées. Et là, la nana, à peine cinq minutes après qu'elle ait pris ses aises, elle me les exhibe, là, comme ça, sans prévenir ou demander la permission. Elle me dégueulasse une partie du tableau de bord et du rétroviseur droit. Elle s'étale et elle est contente. Ses pieds dégueulent dans ma voiture, alors que ses seins toujours pas, et elle est contente. 

Elle me parle de tout comme de rien mais je n'écoute pas. Je ne vois que ses pieds. Beaucoup ses pieds et un peu la route quand même. Elle est peut-être canon, la donzelle, pas trop eu le temps de mater, mais putain, qu'est-ce que je hais ses pieds ! Dans MA voiture en plus ! 

J'ai joué progressivement sur les rapports jusqu'à caler. Ma panne improvisée était plus grosse qu'un immeuble de quinze étages, personne de sensé n'y aurait crû mais elle n'y a vu que du feu. J'ai attendu patiemment qu'un autre automobiliste fasse la même connerie que moi et prenne la relève mais je n'eus pas à attendre longtemps. En quelques secondes, elle et ses panards disparurent de mon champ de vision et je ressentis alors un énorme soulagement.

Je ne prendrai plus jamais d'auto-stoppeurs ! 

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