Le Cheminement © Gaia Orion
Parce que j'ai depuis aujourd'hui un nouveau lecteur, à la fois sur ce blog mais également de manière plus générale sur l'ensemble de mes écrits, j'ai ressenti le besoin d'expliquer -ou de tenter de le faire- comment je fonctionnais lorsque je me mettais à l'écriture.
Cette fois, c'est un peu particulier puisque cette nouvelle personne écrit elle-même. J'ai donc un regard un peu plus critique, dans le bon sens du terme, qui tendra à me faire gommer quelques imperfections ou mauvais plis tout en me faisant bénéficier de sa propre expérience.
J'ai toujours été à l'aise dans l'écriture dans sa partie la plus rédactionnelle. J'aime ça et, aussi prétentieux que cela puisse paraître, j'aime mon style. En tout cas, je l'assume pleinement. Mais j'ai un syndrome quasi-permanent de la page blanche. Et je ne tiens la distance que sur un format court. Je n'aime rien de plus que de distiller une atmosphère et si elle est pesante voire oppressante, je ne m'en porte que mieux, ce qui ne m'empêche pas d'essayer de varier les plaisirs et donc les genres. Parfois au détriment de l'intrigue qui reste secondaire chez moi. Je cherche avant tout à toucher les gens, ne serait-ce que l'espace d'une scène, d'un paragraphe ou de quelques mots judicieusement choisis. Lorsque l'on me dit que l'on voit ce que j'écris, on ne peut me faire plus beau compliment. Et si l'intrigue m'importe finalement moins, même si j'essaie de retomber plus ou moins sur mes pattes, c'est parce que, quelque part, je ne sais jamais trop où je vais.
Il faut remonter à 2005 et l'époque des Peyraciens pour que je me décide enfin non pas à écrire mais surtout à montrer ce que je faisais en tout amateurisme. Les Peyraciens étaient les membres d'un forum aujourd'hui disparu tournant autour de Nicolas Peyrac. On pouvait y discuter d'une foultitude de choses et il y avait notamment un espace pour les écrits des uns et des autres entre nouvelles, poèmes et autres rimailles. Il y avait de sacrés talents dont certains se sont encore bonifiés depuis. Et puis moi, timide comme tout, qui avais fini par me lancer. Ainsi est né le premier chapitre de Humeurs assassines que j'avais écrit comme ça, d'un jet, sans savoir où j'allais. Puis, à un moment, sans réfléchir aux conséquences, j'avais ajouté "A suivre..." et j'avais validé mon billet sur le forum. J'avais fait le premier pas et j'avais dès lors mes premiers lecteurs. Je n'avais alors aucune idée de la suite mais je ne pouvais plus reculer. Alors j'ai écrit le deuxième chapitre, je l'ai validé, je suis passé au troisième et ainsi de suite, sans filet ni scénario préparatoire. C'était complètement amateur mais très jouissif. Un côté sans filet que j'ai finalement gardé, en ayant simplement parfois, quelques idées qui germaient en cours de route mais tellement floutées que le suspense était quasiment entier pour moi aussi.
Pour Toby, ce fut différent. Courte nouvelle écrite en moins d'une heure, elle reste la préférée pour bon nombre de mes (quelques) lecteurs. Là, je voulais clairement privilégier l'atmosphère, de manière beaucoup plus prononcée encore qu'auparavant. Cette histoire d'un homme vieillissant et de son chien, sujet banal s'il en est, a découlé d'une autre que j'avais esquissée où un homme âgé et sans défense se faisait agresser chez lui. J'avais l'idée d'un huis clos âpre et oppressant et d'un certain déchaînement de violence nés de ma longue période Stephen King. Finalement, j'avais abandonné très rapidement mais, étrangement, je m'étais attaché au personnage principal et je l'ai donc repris dans Toby en y mettant toute l'empathie que j'avais ressentie pour lui. Ce n'est sans doute pas un chef d'oeuvre bien évidemment, loin s'en faut, mais j'aime à dire que j'ai connu 30 minutes d'état de grâce où tout ce que je voulais écrire sortait comme par enchantement. Je suis sûr qu'à quelques minutes d'intervalle, Toby n'aurait pas véritablement été Toby. D'où cette tendresse particulière que je lui porte près de huit ans plus tard.
Blanche fut compliquée. Elle fut construite comme Humeurs Assassines, par chapitres que je mettais un à un sur le forum des Peyraciens avant même d'avoir écrit les suivants. Mais j'étais dans une période page blanche prononcée. Une nouvelle fois, c'est la recherche d'une atmosphère qui vint à mon secours. Une pluie torrentielle, une curieuse apparition, une voiture qui fait une embardée, une pluie de grenouilles. Et c'était parti pour un voyage dont j'ignorais tout de la destination. Il faudrait que je la relise car je ne n'en ai que des bribes en mémoire mais je me souviens simplement d'un immense soulagement lorsque j'eus écrit le mot "fin" tant j'avais multiplié les fausses pistes et les rebondissements au fur et à mesure des chapitres que je rédigeais toujours sans avoir la moindre idée de la suite. Mais j'avais besoin de ça, de cette part d'inconnu comme d'une puissante adrénaline. Et lors de l'ultime chapitre, j'avais plus ou moins réussi à emboîter les pièces du puzzle. J'avais même réussi un ultime coup de théâtre si je me souviens bien. Pas l'histoire du siècle, non, mais je l'avais tellement rafistolée de toutes parts que je n'étais pas malheureux de m'en sortir à si bon compte.
Avant de poursuivre demain sur quelques autres de mes petits écrits, je profite de ce billet pour souligner à quel point j'ai été (et suis toujours) friand de cette rédaction chapitrée qui pourrait presque s'apparenter à un travail de ligue d'impro. Cela me permettait de ne pas reculer, de m'engager à écrire la suite une fois que le début avait été mis en ligne. Evidemment, d'un point de vue formel, j'aurais sans doute du préparer un ensemble de choses en amont, réfléchir à une intrigue, creuser les personnages, les enchaînements de situations, rédiger des brouillons, mais je crois que j'en ai toujours été incapable. Je crois que toutes les nouvelles que j'ai pu écrire, hormis les très courtes comme Toby, ont toujours obéi à ce mode de fonctionnement basé sur une suite que je découvrais moi-même au fur et à mesure de sa rédaction. D'abord sur le forum des Peyraciens puis sur mes blogs successifs. Avec les imperfections que cela suggère. Et une certaine frustration de ne pas avoir cette rigueur dans la construction de tout ce qui ferait une bonne histoire. Mais je crois qu'aujourd'hui encore, si ce putain de syndrome de la page blanche pouvait m'oublier quelques instants, je procéderais de la même manière. L'avenir seul le dira...
A suivre...
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La preuve est faite. Nous sommes en présence d'un auteur, amateur qu'il se dit!
RépondreSupprimerCombien d'entre nous sont capables de pondre un article de cette trempe en si peu de temps? Combien d'entre nous sont capables de s'exposer aux critiques sur son travail? Combien d'entre nous sont capables d'exprimer par écrit, avec ses propres mots et sa propre diction, des histoires tout droit sorties de l'imagination?
Nous ne sommes ni ne deviendrons tous des maître de l'art littéraire, pourtant nous avons tous des histoires à raconter et à partager.
Je tire mon chapeau Franck pour cette prise de conscience et pour nous faire partager tes nouvelles, que je ne manquerais pas de critiquer.
Merci Alberto pour les encouragements. Sois le bienvenu par ici en tout cas et bonne(s) lecture(s)
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