Les jours qui suivirent la
disparition de Dorothy virent le vide des ténèbres se propager à une vitesse
folle. Les étendues blanches et désertiques se multipliaient. Tom ne quittait
plus son quartier coloré. Il ne s’éloignait plus comme lorsqu’il l’avait fait
si régulièrement avec Dorothy. Désormais tout ce qui était gris semblait
pouvoir virer au noir et se décomposer à tout moment.
Tom se demandait combien de
temps il bénéficierait encore de son coin de ciel bleu, de ses arbres en
fleurs, des murs lumineux de son habitat. Même dans son quartier, les choses
évoluaient, plus ou moins perceptiblement. Les rires des enfants se faisaient
rares tant ces derniers jouaient peu dernièrement. La vie semblait s’être
ralentie. Les gens voyaient ce qui se passait tout autour et n’étaient pas
sereins. Sans doute craignaient-ils que la noirceur environnante ne les ronge à
leur tour jusqu’à tous les engloutir.
Tom craignait surtout que les
rêves de son hôte ne finissent par tourner aux cauchemars. Après tout, il ne
savait plus rien de ce qu’il pouvait se passer sur la Terre. Il avait aussi estimé
que son hôte était forcément privilégiée mais finalement il n’en savait rien. Les
conditions de vie étaient déjà si compliquées sur Terre lorsqu’il l’avait « quittée »
qu’il était fort peu probable qu’elles se soient améliorées entre-temps.
Autour de lui, quartiers gris
et espaces blancs se succédaient dans une gigantesque mosaïque à perte de vue.
Il se doutait bien que quelques zones colorées subsistaient au-delà de son
champ de vision mais elles étaient devenues extrêmement minoritaires.
Tom se demandait comment on
avait pu en arriver là. Comment le monde avait pu tourner aussi mal pour que l’on
en soit réduit à trouver une échappatoire dans des pseudo-paradis somme toute
bien artificiels. Etre injecté dans les méandres oniriques de personnes
totalement inconnues dans l’espoir d’un semblant de vie meilleure, voilà où on
en était.
Mais les gens ne pouvaient
même plus rêver. Ils ne savaient même plus. Ils ambitionnaient seulement de
survivre. Voire mourir pour certains. Un pessimisme au couteau qui semblait ne
jamais devoir s’arrêter.
Tom pensait qu’il était de
toute façon mieux là que n’importe où ailleurs. Maigre consolation mais il lui
faudrait s’en contenter. Dans ce monde de plus en plus déséquilibré entre rêves
et cauchemars, il n’avait prise sur rien. Sa propre vie ne lui appartenait
plus. Peut-être mourrait-il demain. Ou dans un mois. Un an. Le temps était une
notion vaine, si abstraite ici de toute façon.
C’est pour cela que Tom était
bien décidé à profiter de chaque instant. Malgré le gâchis. Malgré les
incertitudes. Malgré le vide alentour qui prenait inexorablement le pas sur
tout le reste.
Il avait le luxe de voir une
infime partie de ce monde en couleurs. De sentir le vent bruisser dans les
feuilles des arbres. D’entendre le chant des oiseaux et le clapotis de
désormais trop rares rivières. De baigner dans la lumière et d’éclatantes
couleurs, aussi artificielles fussent-elle.
Tout ne manquerait pas de s'arrêter un jour. Mais en attendant, il lui restait de belles journées
pour vivre.
Simplement vivre.
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Eh bien on l'a notre dernière partie ! Tout ceci tient bien la route tout en étant empreint d'optimisme.Bravo Môssieur !
RépondreSupprimerNath
Je ne sais pas si ce récit est empreint d'optimisme mais Tom sait que le peu qu'il a, plein d'autres ne l'ont pas, donc il fait avec. Il n'a guère le choix d'ailleurs.
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