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Alors quoi l'homme ? Tu vas faire comme les autres ? Rester à distance respectable ? Tu vas me fixer entre fascination, pitié et crainte sans même oser t'approcher ? Tu vas me laisser à ma pesante solitude ? Tu sais, je n'ai pas toujours été comme cela, vieux et seul. Il n'y a pas encore si longtemps, je galopais à travers vents et herbes hautes. J'avais un maître dont je crois pouvoir dire que j'étais sa fierté. Je n'étais pas parqué entre trois murs sales, humides et froids, à baigner dans mon purin en attendant une hypothétique botte de foin moisi. J'avais mon chez-moi, une belle stalle entretenue, propre et spacieuse, du fourrage de première qualité l'hiver et de beaux champs à l'herbe fraîche le reste du temps. J'étais brossé toutes les semaines et je trottais en toutes occasions, histoire d'entretenir cette musculature de rêve qui ne laissait aucune jument indifférente.
Las, tandis que, l'âge aidant, je perdais peu à peu de ma superbe, mon maître s'en est allé. Comme nous prenions soin l'un de l'autre, deux âmes solitaires qui s'étaient trouvées, apprivoisées puis aimées, nous savions que le départ de l'un entraînerait la désespérance de l'autre. Mais je ne m'étais pas attendu, les yeux encore plein de larmes, à me retrouver expulsé sans ménagement aussi rapidement. Me voilà désormais prisonnier de cet endroit sombre et glacial, seulement baigné, en de rares occasions, par de timides rayons de soleil, uniques réminiscences d'un passé ensoleillé et radieux.
Je ne sais pas ce qu'il va advenir de moi. Sans doute vais-je mourir puisque, je le vois bien, tu ne t'approcheras pas davantage. Tu ne m'emmèneras pas avec toi, pas plus que tu ne me délesteras de cette bride avilissante. Tu ne seras pas le sauveur que j'espère jour après jour. Tu ne le seras pas, non, pas plus d'ailleurs que ceux qui t'ont précédé ou qui suivront.
Si au moins tu pouvais arrêter de me jeter ce regard vide...
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