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-Mince, ce n'est pas possible, refaites les tests ! ! !
-Les troisièmes viennent de nous arriver et les résultats sont toujours les mêmes ! Invariablement. Il faudrait les prévenir, non ?
-Surtout pas, malheureux ! Si cela venait à s'ébruiter, nous provoquerions une panique sans précédent ! Montrez-moi vos notes !
Sans attendre la réaction de son confrère, le professeur Sikou Yabuki lui arracha les feuillets des mains :
-Il y a forcément une erreur ! Ce n'est pas possible ! Voyons voir... Qualités organoleptiques OK, PH neutre, chlorures et sulfates en quantité minimes, absence de substances indésirables ou toxiques, absence d'organismes pathogènes... C'est incroyable ! Nous serions vraiment en présence d'une eau potable, ici, au Japon ??? Cela pourrait être dangereux, vous croyez ?
-C'est difficile à dire... De mémoire, cela ne s'est jamais produit. Le nombre de nos centenaires a crû avec la pollution de nos nappes phréatiques. Alors, est-ce qu'une eau non viciée pourrait entraîner une tendance inverse ? Scientifiquement, la question se doit d'être posée.
Yabuki semblait perdu. Il regardait sur son moniteur les quatre hommes qui barbotaient dans l'eau, inconscients du danger qui planait au dessus de leurs têtes telle une épée de Damoclès. Une eau potable. Au Japon ! Avait-on déjà connu ça de mémoire d'homme ? Et comment faire face ?
-Vous feriez quoi, vous ? demanda t-il finalement à son assistant.
-Je pense que j'étoufferais le poussin dans l’œuf avant qu'il n'éclose. Nous sommes les seuls à être au courant et ce serait quand même bien le diable que ce ne soit pas un cas isolé. Interdisons toute baignade en prétextant des travaux d'aménagement, effectuons un drainage massif et passons à autre chose. Évitons particulièrement de communiquer, surtout au niveau de nos instances dirigeantes. Je n'ai guère envie que des têtes roulent, notamment les nôtres.
-Et si les baigneurs tombent malade ? S'ils chopent des maladies au contact de cette eau parfaite ? Ah, mais quelle saleté !
-Nous fausserons alors les dossiers médicaux. Abus de sushis, coma éthylique au saké ou au shochu, delirium tremens suite à une surdose de Chôdenshi Baioman ou de Sailor Moon... Ce ne sont pas les motifs officieux qui manquent !
-Entendu, vous avez carte blanche pour balayer tout ça d'un revers de la main et pour supprimer toutes les traces de cette étude. Vivre dans un environnement non pollué, non mais, quelle idée ! Qui ne pourrait germer que dans un cerveau malade ! Heureusement que nous avons fait preuve de vigilance ! Modestement, nous avons été héroïques sur ce coup-là ! Que deviendrait le monde sans la Science et ses fidèles serviteurs, je vous le demande !
Yabuki regarda une dernière fois les insouciants baigneurs, les malheureux pensa t-il, puis éteignit le moniteur. Le sentiment du devoir accompli, il sortit du laboratoire un sourire aux lèvres.
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