samedi 3 février 2018

BD en folie (2) : Betty Boob et Le voyage d'Abel







J'ai rarement autant lu de BD en si peu de temps et, le top dans tout ça, c'est d'avoir presque un coup de cœur à chaque fois ! Moi qui ne lisais presque plus dernièrement, je suis autant comblé de ce que je dévore que de la redécouverte du plaisir de lire !  Après la fournée d'il y a quelques jours, on remet donc le couvert avec, pour commencer, un coup de cœur majuscule : Betty Boob. 

Cette BD hors-norme signée Véro Cazot (scénario) et Julie Rocheleau (dessins) relate l'histoire d'Elisabeth, une jeune femme atteinte d'un cancer du sein qui subit une mastectomie et doit réapprendre à vivre avec un corps mutilé dans une société où tout écart à la norme se paie cash. On pourrait croire à une BD sinistre, austère, déprimante mais il n'en est rien. C'est à un festival de gaieté, de poésie, d'optimisme et de couleurs que nous convient les deux autrices. Bien-sûr, la gravité est présente (acceptation de soi, isolement, regard des autres, abandon...) mais le personnage d'Elisabeth est déjà d'une telle force en soi, si bouillonnant d'humanité qu'il nous emmène dans le tourbillon de son existence. C'est un livre douloureux mais qui fait du bien, remarquablement servi par le dessin tout en émotions de Julie Rocheleau qui livre là une oeuvre graphique d'une incroyable maîtrise et d'une beauté folle. Les compositions,toujours originales et riches en détails, ont du demander une sacrée charge de travail pour arriver à un tel résultat.  

L'autre originalité de l'histoire, en dehors de sa thématique peu abordée et de l'excellence de son traitement graphique, est de ne proposer aucun dialogue. L'ensemble est muet mais la compréhension est parfaite. Muet ne signifie pas que le livre se referme en quelques minutes, bien au contraire. Achat hautement recommandé, pour ne pas dire indispensable. Il y a même ce site, qui en parle tellement mieux que je ne le fais : c'est ICI.





Que n'ai-je pas déjà dit sur Bruno Duhamel ? Depuis que j'ai découvert cet auteur extrêmement talentueux il y a quelques semaines (courrez vous procurer ses deux derniers bijoux, Le retour et Jamais), c'est un peu comme une drogue : j'y reviens toujours. La preuve avec Le voyage d'Abel, co-signé avec Lisa Belvent en 2014. Un petit bijou d'émotion en 72 pages, édité à très peu d'exemplaires (1000) et désormais seulement disponible via Bruno Duhamel ou la page du petit éditeur Les Amaranthes. Abel est un fermier qui n'a rien connu d'autre que ses terres, ses bêtes et une race de chien un peu plus con de génération en génération qu'il se coltine un peu malgré lui. Au crépuscule de sa vie, il est amer et ne supporte plus cette vie d'enraciné. Lui, ce qu'il voudrait, c'est voyager, changer de vie, devenir marin, parcourir le monde. Que les images qu'il se fait lors de ses multiples lectures de contrées lointaines prennent vie. Mais comment partir lorsque l'on n'a pas appris ? Comment donner du sens à ses envies et à ses rêves ? Comment quitter ce que l'on a toujours connu ?

Une chronique campagnarde belle et simple mais profonde de bout en bout qui parle de tous ces gens qui aspirent à un ailleurs. Une oeuvre forte, poétique, drôle, désabusée parfois, extrêmement fluide grâce au talent narratif de Lisa Belvent. Quant au dessin de Duhamel, je n'ai plus de mots. C'est juste superbe. Chaque scène, chaque plan, s'intègre avec une telle évidence dans le canevas de l'histoire que l'équilibre trouvé a quelque chose de presque miraculeux. Les paysages sont une nouvelle fois magnifiques et le trait de Duhamel épouse parfaitement le rythme d'une histoire qui prend son temps. Encore une oeuvre majuscule, je crois qu'il va falloir s'y faire ! 

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