Et si… Dracula était chargé de remplacer le père Noël pour livrer des cadeaux
Il était une fois, en Transylvanie, le
comte Dracula qui s’apprêtait à profiter pleinement de la nuit sans lune qui
s’annonçait. Toujours engoncé dans son cercueil qui lui servait de couchette en
journée, il déplia un bras, puis deux, et s’étira paresseusement. Il avait
faim. Il devait se mettre en chasse de quelque animal bien sanguinolent. Il
n’avait aucune envie d’aller jusqu’au village faire ripaille de sang frais. Il fut
tiré de sa torpeur par un bruit inhabituel dans la cheminée. Il y eut d’abord
un son étrange à son extrémité, un cri, un vacarme assourdissant et enfin
quelques jurons.
Dracula se retrouva avec le père Noël dans
son salon. Celui-ci couvert de suie de la tête aux pieds pestait contre sa
maladresse. Dracula, la surprise passée, lui dit : « Tu ne pouvais
pas frapper à la porte, non ? Cette satanée manie de toujours passer par
la cheminée… »
Le père Noël fit un geste de la main pour
couper court aux discussions :
-Je suis pressé. Noël est dans 24h et je
ne peux assurer la distribution des cadeaux. Mère Noël est malade d'avoir un peu trop goûté la bûche et je dois rester à ses côtés. Il n’y a que toi qui puisse m’aider. Et
comme tu es immunisé contre un peu près tout en dehors des gousses d’ail, des
pieux et de la lumière du jour, je suis certain que tu ne me feras pas faux
bond avec une excuse bidon.
Dracula eut un rire mauvais :
-Moi en père Noël ? Relis tes classiques, le vieux… Les enfants, je ne les gâte pas, je les vide de leur sang jeune et délicieux.
-Tu seras récompensé pour ta peine. Un an
de livraison d’animaux frais à l’abattoir du coin. Toi qui rechignes à toujours
faire le moindre effort, dis-toi que c’est grassement payé pour une nuit de
labeur.
Dracula grommela dans sa barbe qu’il
n’avait pas, histoire de, mais il avait bien compris quel était son intérêt et
l’affaire fut conclue.
C’est ainsi que le comte Dracula se retrouva au pays du père Noël pour prendre les commandes de l’attelage de rennes et de la hotte immense remplie jusqu’à la gueule de cadeaux de toutes les formes. Mais le départ ne fut pas simple. Terrorisés, les lutins s’étaient carapatés et Dracula dut remplir la hotte lui-même, ce qui lui donna une raison de râler comme à son habitude. Les rennes tremblaient comme des feuilles et n’arrivaient pas à faire décoller l’attelage. Il faut dire que Dracula avait eu une fringale et que deux de leurs congénères manquaient déjà à l’appel.
Mais enfin, au bout d’un moment, le convoi lumineux s’envola, d’abord de façon quelque peu désordonnée puis plus organisée en trouvant bon gré mal gré son rythme de croisière.
La livraison des cadeaux fut assez
folklorique. Si Dracula, de par sa taille fine, passait aisément dans toutes
les cheminées, les salons laissés éclairés par les familles endormies
l’indisposaient et il n’était pas rare qu’il balance les cadeaux du haut de la
cheminée. Surtout, il détestait toutes les marques d’affection laissées à son
attention : verre de lait, fruits, chocolat… Pas la moindre volaille crue,
pas le moindre litre de sang, une misère… Les gens ne savent plus recevoir,
pensa-t-il.
Mais le pire était à venir : vous
l’avez compris, Dracula avait beau être aussi fin qu’un pied de micro, il avait
tout le temps faim. Il avait trouvé une parade provisoire en délestant
l’attelage de quelques rennes au fur et à mesure que la hotte se vidait de ses
cadeaux mais il avait toujours la dalle !
Et ce qui était à craindre germa dans le
cerveau de notre comte sanguinaire dont le naturel revenait au galop : il
se dit que pour chaque cadeau livré, il pouvait peut-être prendre le sang d’un
enfant en contrepartie. Les paquets seraient pour les adultes, et puis c’est
tout, histoire d’atténuer leur peine.
Heureusement, le père Noël avait envoyé deux lutins pister le comte Dracula car, connaissant les antécédents de cet huluberlu, il n’avait eu qu’une confiance toute relative quant au succès de la mission. Lorsque le comte s’engouffra dans une énième cheminée, tiraillé par une faim dévorante qu’il ne pouvait contrôler et qu’il se dirigea vers la chambre d’un enfant endormi, les deux lutins s’interposèrent. Ils n’étaient évidemment pas de taille à arrêter le comte mais l’un d’eux sortit un smartphone de sa poche et le planta sous le nez de Dracula. Sur l’écran, le Père Noël était furibard.
-Non mais c’est quoi ce souk ! Et
notre deal, alors ? Un an de nourriture comme salaire et tu n’es pas fichu
de te faire violence pendant quelques heures ? Je suis très déçu !
Sors tes fesses de cette maison et laisse mes petits amis finir la
distribution. Contente-toi de diriger l’attelage… et interdiction de te servir
au passage ! Et maintenant dehors ! ! !
Dracula pestait intérieurement mais il ne
pouvait pas passer à côté de la perspective d’être nourri pendant un an sans le
moindre effort. Malgré les gargouillis disgracieux émanant de son estomac, il
se fit violence et la suite de la nuit se passa sans incident notable malgré un
rythme de livraison ralenti, un lutin descendant dans les cheminées tandis que
l’autre gardait un œil pas franchement rassuré sur Dracula.
Au petit matin, les enfants avaient eu leurs cadeaux et le comte avait regagné son cercueil… La proéminence d’un petit bedon témoignait qu’il avait déjà reçu une partie de son salaire et qu’il en avait bien profité.
Si j'ai bien compris la morale de ce beau conte de Noël, c'est qu'il faut toujours avoir un smarphone avec soi ! :)
RépondreSupprimerOui, c'est un compte résolument moderne ^^
SupprimerEt un exercice d'atelier d'écriture rédigé en 2022, ça change de mes vieilles nouvelles d'il y a 20 ans ;-)