(Toutes les reproductions sont la propriété de Jérôme Alquié)
Mine
de rien, le billet que vous êtes en train de lire aura été l’un des plus durs à
écrire. Au bout de plusieurs jets qui ne me satisfaisaient pas vraiment, j’ai
décidé que cette mouture serait la dernière.
Comment
parler à la fois du gros coup de cœur que j’ai eu pour l’art-book « Sweet
Savage » et de son auteur, l’artiste pluriel Jérôme Alquié tout en gardant
une cohérence entre les deux. Par quoi commencer ? Comment ? Il y a
bien longtemps que je ne m’étais pas ainsi trituré les méninges mais, en
parfait maso que je suis sans doute un peu, cette adversité imprévue ne fut pas
pour me déplaire.
Entre
moi et Jérôme Alquié, c’est d’abord une passion commune pour les séries animées
de notre enfance : Albator, Goldorak, Ulysse 31, Les Mystérieuses Cités d’or
et j’en passe. J’ai goûté avec délectation dans la marmite de la japanime et du
manga pendant qu’il tombait carrément dedans. Comprenez que la comparaison s’arrête
là puisqu’il a, lui, décidé de vivre de cette passion.
Il aurait eu tort de s’en
priver vu que le bougre a des mains d’or dès qu’il s’agit de dessiner. Un trait
fin, tout en maîtrise. Je suis notamment toujours bluffé par ses courbes,
courbes du corps, courbes des cheveux « à la japonaise ». Moi, rien
que pour esquisser un arc de cercle, faut que je m’y reprenne à plusieurs fois
ou que je me contente d’un résultat haché. Jérôme, c’est toujours clair,
propre, net, beau. En un mot : énervant !
Pour
un nostalgique comme moi, le travail de Jérôme est comme une évidence. Il
prolonge la part de l’enfant en moi, vous savez, cette bulle que l’on veut
préserver et qui tend à se contracter sous l’effet des agressions du monde
adulte. Franquin, ma référence absolue dans la passion que j’ai pour la BD,
aimait à dire qu’un adulte est un enfant qui a mal tourné. Jérôme nous permet
finalement d’être adulte sans qu’on se culpabilise de se sentir encore enfant.
Il rend la nostalgie noble mais surtout nécessaire.
C’est pour cela, en plus de
son talent monstrueux, que je l’estime infiniment. Nous ne nous sommes jamais
rencontrés mais nous échangeons de temps à autre et je suis toujours épaté par
sa gentillesse à l’égard de ceux qui le questionnent sur son travail, par sa
disponibilité aussi, mais surtout, surtout, par sa capacité intacte d’émerveillement
à l’heure où de trop nombreux artistes renvoient une image d’eux blasée. Le
plaisir qu’il prend est contagieux et fait du bien. Je suis aussi touché par
son sens de l’amitié (la préface de son ami Arnaud Dollen est à ce titre
bouleversante) et par son respect indéfectible envers ses maîtres, Shingo Araki
et Leiji Matsumoto notamment.
Un
tour d’horizon de ses univers, qu’il en soit le créateur ou qu’il se les
réapproprie avec génie, est désormais disponible au travers de l’art-book que j’évoquais
au début de ce billet. On y retrouve évidemment Albator, Ulysse et tous les
autres, vestiges intemporels d’une époque extraordinaire pas si lointaine,
comme autant de madeleines de Proust synonymes d’un plaisir coupable sans cesse
renouvelé.
Mais les vraies héroïnes du livre, celles à qui le titre « Sweet
Savage » s’adresse, ce sont les femmes qui peuplent son imaginaire. Qu'elles
viennent des vents d'Asie ou des terres d'Afrique, qu'elles soient d'eau ou de
feu, qu'elle soient héroïnes, mères ou enfants allongées éprises de rêves,
elles nous interpellent toutes, mélange de douceur et de force.
Toutes ces
représentations féminines, qui ont récemment bénéficié d'une mise en valeur
exceptionnelle lors d'une exposition consacrée à l'artiste, sont d'une beauté à
couper le souffle. Certaines nous touchent plus que d'autres, subjectivité
oblige, mais aucune ne nous laisse indifférent.
Si je devais vraiment pinailler
(et là encore, c’est forcément subjectif), les commentaires qui accompagnent ces
femmes sur papier, bien qu’essentiels car témoignages de la démarche artistique
et de la sensibilité de Jérôme, m’auront quand même un peu frustré car je fais
partie de ceux qui aiment bien se perdre dans les univers des autres. Là, je me
sentais un peu guidé, orienté. Mais c’est vraiment une sensation toute
personnelle qui n’amoindrit en rien la charge émotionnelle des œuvres.
Vous
l’aurez compris, « Sweet Savage » est à la hauteur de toutes les
attentes. En plus d’un contenu foisonnant et globalement exhaustif, il faut souligner que la mise en page est, de
surcroît, de très haute tenue. La qualité des reproductions n’est pas en reste.
L'ouvrage est vraiment un très bel objet où on sent bien que rien n'a été
laissé au hasard au niveau de la conception. Je vous l’aurais donc forcément hautement recommandé mais, c’est ballot, il n’y en a déjà plus. Un succès amplement
mérité. Merci Jérôme pour ce grand plaisir de lecture. Et bravo !
(Jérôme ne fait pas que dessiner : la preuve avec cette magnifique scène tirée de la série animée Bouba. Pour se quitter, il y a pire, non ?)
Je ne connais pas cet artiste qui a visiblement du talent, même si l'univers SF ne me parle pas trop.
RépondreSupprimerJe suis troublé par les deux dernières illustrations (hors Bouba) : elles me semblent directement issues de l'univers (que j'adore) de "Djinn", scénario Dufaux, dessins de Mirales. Il y a une explication ?
Le hasard, je suppose ! Les illustrations dont tu parles sont des créations originales. Mais j'en parlerai à Jérôme. Il se peut que Djinn soit une influence, va savoir ! Je me renseigne et je te dis. ;-)
RépondreSupprimerJérôme me dit que non seulement il ne connait pas l'univers de Djinn mais qu'en plus il n'en a jamais entendu parler. Sa seule influence pour certaines de ses femmes serait éventuellement Luis Royo. Quant aux deux illustrations que tu évoques, elles datent d'une dizaine d'années. Djinn existait-il déjà à cette époque ?
RépondreSupprimerfranchement je suis vraiment touché de cet artiste qui à est un véritable magicien. Je retrouve les dessins animés de ma jeunesse. Quand je regarde les détailles et la précision des personnages, chapeau bas !!!!! Merci pour votre article qui est vraiment gentil pour Jérôme Alquie.
RépondreSupprimerBonsoir et merci pour votre commentaire qui redonne une deuxième vie à ce billet. Jérôme a un talent fou et je suis bien content que vous soyez sensible à son univers qui est aussi forcément un peu le nôtre. Merci d'être passé par ici.
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