Chapitre 1
Sarah monta l’escalier en serrant un
peu plus son ourson en peluche contre elle. L’escalier lui avait toujours fait
peur, surtout depuis que l’ampoule avait grillé et qu’il baignait dans
l’obscurité. Mais tout en haut, il y avait sa chambre, le seul endroit où elle
se sente à peu près en sécurité dans la maison.
L’escalier lui faisait surtout peur
lorsqu’il grinçait sous le poids de son père, les soirs où celui-ci montait les
marches pour lui mettre une raclée. Ils n’étaient pas nombreux les soirs où les
marches ne grinçaient pas.
Sarah arriva en haut de l’escalier
et relâcha, un peu, son étreinte sur la peluche. Elle pénétra dans sa chambre
et donna un tour de clé comme elle en avait pris l’habitude. Bien sûr, cela ne
la protégeait en rien des foudres de son père mais elle avait ainsi
l’impression de se couper un peu du reste de la maison. De se couper de tout ce
qui lui faisait peur.
Sarah s’allongea sur son lit et
porta l’ourson contre sa joue. Elle tremblait. Comme tous les soirs à la même
heure, quand elle se demandait si elle avait bien tout fait correctement. Son
père allait bientôt rentrer et tout devait être parfait. Peut-être alors se
contenterait-il de manger et de s’endormir sur le canapé, cuvant le vin de la
journée. Peut-être ne penserait-il même pas à elle. Cela s’était déjà produit.
Mais si rarement.
Sarah n’aimait pas le silence. Elle
n’aimait pas cette maison qui lui faisait peur. Elle n’aimait pas la pénombre.
Ni la nuit. Surtout, elle n’aimait pas les bruits de pas dans l’escalier. Elle
avait l’impression de les entendre même quand la maison était vide.
Sarah repensa à tout ce qu’elle
avait fait depuis qu’elle était rentrée de l’école. Elle avait tout nettoyé
dans le salon et la cuisine, avait mis la table, préparé le repas, fait ses
devoirs. Elle avait a priori pensé à tout. Mais parfois penser à tout ne
suffisait pas.
La fillette sursauta soudain. Elle
connaissait ce bruit par cœur. Les crissements de pneus sur les gravillons de
la cour. Le moteur que l’on coupe. La portière que l’on claque. Ce n’était
jamais très bon signe la portière que l’on claque. Puis le bruit de la clé dans
la serrure. Le silence de la porte qui ne s’ouvre pas. Les hurlements de son
père pestant sur cette serrure récalcitrante. A nouveau, les bruits de clés
dans cette foutue serrure. Plus insistants. Le grincement de la porte d’entrée
qui s’ouvre sous le poids d’un homme qui tient à peine debout. Le vacarme de la
porte qui se referme violemment. L’homme qui hurle un prénom. Sarah. SARAH.
L’enfant tressaillit, comprenant ce
que cela signifiait. Il ne s’était même pas rendu dans le salon, encore moins
dans la cuisine. Il était sur le seuil et, déjà, il hurlait son nom. Et
visiblement, il n’était pas disposé à attendre.
Sarah détestait la nuit et ses
ténèbres mais en ce moment précis elle aurait souhaité qu’elles l’enveloppent
toute entière comme une cape d’invisibilité. Mais mes souhaits ne sont pas
faits pour être entendus, pensa t-elle alors qu’elle sentait les larmes lui
monter aux yeux. Elle déverrouilla la porte et sortit de la chambre. Son père
hurlait toujours son nom. Du haut de l’escalier, elle le vit, malgré la
pénombre et cette fois, les larmes coulèrent. Elle avait vu juste, du haut de
ses 7 ans et demi. Son père s’était battu et son visage était en sang. Il était
affalé sur le sol, criant son nom sans relâche. SARAH, SARAH.
Jamais l’escalier n’avait semblé si
abrupt à Sarah. Elle en avait d’autant plus peur que c’était tout ce qui la
séparait encore de son père. De son poing. De ses cris. De ses coups. Elle
descendit lentement, marche après marche, tandis que l’homme la regarda enfin.
Un regard mauvais empli de haine. De violence qui ne demandait qu’à exploser.
Sarah était arrivée en bas des
escaliers et elle s’avança vers lui. Le visage de la fillette avait perdu toute
expressivité. Même les larmes semblaient avoir séché sur ses joues. Elle
regardait, mais sans vraiment le voir, le monstre qui lui faisait face. Elle
savait ce qui allait se passer. Elle allait le laisser faire. Elle finirait
bien par remonter dans sa chambre. C’était ça le plus important. Retrouver sa
chambre. Son ourson. Son livre des rêves. Et son amie qui ne tarderait plus.
L’homme lui saisit le poignet. Sarah
sentit une forte pression mais ne broncha pas.
-Tu en as mis du temps ! Tu
n’entends pas quand on t’appelle ? Hurla t-il. Tu vois dans quel état je suis ?
Bouge-toi bordel ! Aide moi à me lever jusqu’au canapé !
Sarah eût du mal à se maintenir
debout lorsque le poids de son père sembla s’affaisser sur elle. Elle mit son
bras autour de son épaule et le traîna tant bien que mal vers le salon. Au
moins était-il encore conscient cette fois-ci, ce n’était pas toujours le cas.
Elle serra les dents, tentant de résister au dégoût provoqué par le souffle
alcoolisé de son père et par la puanteur de sa sueur. Sans oublier le sang qui
suintait sur ses vêtements.
Au bout de quelques minutes qui lui
parurent des heures, elle parvint enfin à allonger tant bien que mal l’homme
sur le canapé. Elle jeta un regard en arrière et vit la traînée de sang que son
père avait laissé dans son sillage. Elle détourna son regard et observa l’homme
qui la fixait, respirant de plus en plus fort et de façon très saccadée. Il
était visiblement à bout de souffle.
-Tu aimerais bien que je crève, hein
? Ce serait le pied pour toi ! Grimaça t-il. Tu n’es bonne qu’à te plaindre.
Comme si la vie m’avait gâtée, moi ! Avec une pleurnicheuse accrochée à mes
basques… Mais je vais m’accrocher moi aussi, va ! On n’en a pas encore fini
tous les deux !
Sarah fixait son père. Cela faisait
bien longtemps qu’elle ne détournait plus son regard quand il lui criait
dessus. Elle savait qu’elle allait y passer de toute façon. Ce n’était qu’une
question de temps avant qu’il ne reprenne des forces. Et là, il s’acharnerait
sur elle. Forcément. Il venait de se prendre une raclée. Il fallait bien qu’il
se défoule à son tour. C’était si facile. Tellement commode. Mais la fillette
ne pensait qu’à une chose : le moment où elle retrouverait enfin sa chambre. Il
n’y avait que ça qui comptait. Retrouver sa chambre. Tant pis pour le reste.
Tant pis pour les coups.
L’homme avait de plus en plus de mal
à respirer. Pour la première fois, Sarah eut l’impression qu’il paniquait. Il
avait le regard affolé de ceux qui ne maîtrisent plus rien. Bordel, pensa t-il,
je n’ai pris que quelques coups. Pourquoi est-ce si difficile alors ?
-Va me chercher de l’eau et des
compresses dans la boite à pharmacie, grouille-toi ! Murmura t-il à Sarah.
La fillette l’observa. C’était la
première fois qu’elle l’entendait murmurer. Bien sûr, elle ne se faisait aucune
illusion. Il ne pouvait pas faire autrement, voilà tout. Mais c’était quand
même une drôle sensation pour une enfant qui n’avait toute sa vie connu que les
cris et les insultes comme seuls moyens d’expression.
Sarah se dirigea vers l’évier de la
cuisine et remplit un bol d’eau fraîche. Puis elle prit un tabouret et ouvrit
la porte supérieure du buffet. Tout au fond se trouvait la trousse de secours.
Elle en sortit un rouleau de gaze à
peine entamé et quitta la cuisine avec les compresses et les ciseaux dans une
main et le bol dans l’autre.
Elle posa le tout sur la table basse
devant le canapé et se retourna. Son père s’était endormi. Elle trouvait
étrange que l’on puisse s’endormir les yeux ouverts mais elle était surtout
soulagée qu’il ne lui crie plus dessus. Elle coupa un bout de gaze qu’elle
plongea dans l’eau et entreprit de nettoyer les traces de sang sur le visage de
son père. Elle le fit avec une infinie application, un timide sourire éclairant
son visage. Ils étaient si rares ces moments là. Pour tout dire, elle ne se
souvenait pas avoir déjà ressenti ça. Une sorte de paix fragile. Pas de cris,
pas de coups. Une lumière dans la nuit.
Sarah savait que les choses seraient
tout autre quand il se réveillerait. Mais peut-être aurait-il faim. Ou bien
serait-il fatigué. Peut-être ne penserait-il pas à la frapper ce soir. Elle
pourrait alors retrouver sa chambre. L’endroit où elle était bien. L’endroit où
il se passait tant de jolies choses.
Chapitre 2
Sarah avait rencontré son amie près
de deux ans plus tôt. Elle s’en rappelait comme si c’était hier et pas
simplement parce que son père l’avait ignorée ce soir là.
Elle était dans sa chambre depuis
une paire d’heures, allongée sur son lit, les yeux rivés au plafond. Seule la
lumière de la lune baignait la pièce depuis la fenêtre ouverte. Il faut dire
qu’il faisait étonnamment très chaud en ce mois de mai.
Sarah essayait de ne pas s’endormir.
Chaque nuit, elle priait pour ne pas s’endormir. Rester éveillée coûte que
coûte. Sinon, ce serait encore les cauchemars. Ceux qui lui donnent
l’impression d’être éveillée. Ceux qui font que les nuits ressemblent aux
jours. Car rares étaient les nuits où son père ne la hantait pas. Les autres
enfants rêvaient. Mais pas Sarah. Elle ne savait pas. Les rêves, ce n’était pas
pour elle. Elle n’en faisait jamais. Les cauchemars prenaient trop de place.
Sarah était donc là, allongée,
luttant pour garder les yeux ouverts. Ne tenant plus, elle se leva et se mit à
la fenêtre. Une brise légère caressa son visage fatigué. Mais même debout, même
avec la meilleure volonté du monde, Sarah sût qu’elle ne résisterait plus
longtemps, tant elle tombait de fatigue.
Du coup, lorsqu’une lumière verte
passa devant ses yeux, elle n’y prêta pas attention. Elle avait la vue
tellement embrumée de toute façon. Alors une lumière de plus ou de moins,
qu’elle soit verte ou d’une autre couleur…
Mais lorsque la lumière se mit à
parler, Sarah retrouva toute son attention. Une voix de femme ou d’enfant, elle
ne savait pas trop. Mais une voix enjouée et douce.
-Alors ma jolie Sarah, tu ne dors
toujours pas ?
La fillette écarquilla les yeux et
vit la luciole à quelques centimètres de son visage. Elle tendit
instinctivement son bras et l’insecte luisant se posa au creux de la paume de
sa main.
-Merci ma chérie, c’est vrai que
j’ai un peu de mal à voler à une telle altitude. Je me suis dit que tu avais
besoin d’un peu de compagnie, n’ai-je pas raison ?
Sarah sourit mais d’un sourire
timide. Elle aurait dû être surprise qu’une luciole puisse parler mais elle
pensait surtout à son père qui dormait au rez-de-chaussée. Elle savait ce qui
se passerait si elle le réveillait. S’il l’entendait parler toute seule dans sa
chambre. Comme une folle.
Mais parce que personne ne lui
rendait jamais visite, et encore moins la nuit lorsque les ténèbres enveloppent
la maison, elle fit tout de même entrer la luciole qu’elle posa sur le drap de
son lit (Il y avait bien longtemps qu’elle en avait ôté l’édredon bleu tant il
faisait chaud ce soir).
-Tu peux rester ici cette nuit si tu
veux, murmura Sarah, mais il te faudra parler doucement car mon papa est en
bas. Et il ne sera pas content si nous le réveillons. Pas content du tout.
-Ne t’inquiète pas ma puce, je
parlerai tout bas. Dis moi plutôt ce qu’une petite fille de ton âge fait encore
debout à cette heure.
Le visage de Sarah s’assombrit
légèrement et la luciole sembla le percevoir immédiatement.
-Je… je ne veux pas m’endormir. Je
pense trop à de vilaines choses quand je dors. Parfois, c’est pire que d’être
réveillée.
Sarah s’allongea sur le ventre, son
visage entre ses mains, à quelques centimètres seulement du ver luisant. Son
visage était triste mais la curiosité prenait enfin le dessus. On ne rencontre
tout de même pas une luciole tous les jours. Surtout une qui parle.
-Mais tu ne fais jamais de jolis
rêves, avec de belles histoires ? demanda l’insecte dans un murmure, d’une voix
de plus en plus douce.
-Non, répondit Sarah. Je sais que
mes copines en font. Parfois, elles se les racontent à l’école. Mais moi, ça ne
m’arrive jamais. Dès que je ferme les yeux, tout devient noir. Alors je garde
les yeux ouverts. Mais la maîtresse n’aime pas trop me voir dormir en classe,
ajouta la fillette dans un sanglot à peine étouffé.
-Dis-moi ma puce… Ce serait tout de
même plus agréable si tu pouvais passer de belles nuits, non ? Plutôt que de
rester éveillée la nuit et de dormir le jour à l’école.
Sarah rougit et acquiesça bien
évidemment. Elle ne se rappelait plus de la dernière nuit « normale » qu’elle
ait passé, ni même si cela lui était déjà arrivé. Mais elle serait tellement
contente de pouvoir rêver comme les autres enfants de son âge, c’est sûr ! De
pouvoir dormir sans crainte. Sans peur du noir. Ou des marches qui grincent.
Il se passa alors une chose étrange.
La lumière verte qui enveloppait la luciole sembla grossir, jusqu’à
progressivement s’étendre dans toute la pièce. Sarah ne distingua bientôt plus
rien d’autre dans la chambre que cette lumière aveuglante. Elle se protégea les
yeux en levant son bras gauche tout en essayant de les garder ouverts pour
tenter de distinguer quelque chose. La lumière verte semblait l’envelopper,
l’engloutir même. Puis il y eut un bruit, un peu comme une décharge électrique
et tout redevint normal.
Sarah plissa les yeux. La chambre
avait retrouvé son aspect habituel, seulement baignée par la lumière de la nuit
et des étoiles. Sa nouvelle amie la luciole était toujours sur le drap mais
elle ne brillait plus. Elle était surtout devenue silencieuse, ce qui inquiéta
Sarah.
-Ca va ? demanda la fillette qui ne
savait pas trop comment se comporter, tant elle trouvait déjà surréaliste de
s’adresser ainsi à un insecte.
Pas un insecte, murmura une voix
dans sa tête. Ton amie. Ta nouvelle amie. Celle qui veut faire de tes nuits des
nuits douces.
-Oui, ça va ma puce, je te remercie,
répondit la luciole au bout d’un long moment. C’est juste que je suis épuisée
mais ma lumière devrait vite revenir. C’est que… ça fait bien longtemps que je
n’avais plus fait quelque chose d’aussi fatiguant. Ca n’a l’air de rien comme
ça mais ça décharge mes batteries en un rien de temps. Mais enfin, nous y
sommes et c’est le principal ma petite Sarah !
L’enfant ne comprit pas de suite
mais lorsque l’insecte tourna la tête de trois-quarts et que Sarah suivit son
regard, elle vit ce qui avait échappé à son attention. Sur le petit bureau où
étaient entreposés ses cahiers et autres affaires de classe, il y avait à
présent, bien au centre, un épais livre rehaussé d’une reliure dorée du plus
bel effet.
-Pfou ! Je n’en pondrais pas un
comme ça tous les jours, soupira la luciole qui semblait déjà retrouver un peu
de sa lumière verte. Vas-y, c’est pour toi ma puce.
Sarah se leva tout doucement et le
ver luisant ne put s’empêcher de penser que décidément la pauvre petite était
terrorisée par son père. Elle ne voulait surtout pas risquer de faire grincer
le plancher. Parce que sinon ce seraient alors peut-être les marches de
l’escalier qui grinceraient à leur tour.
Elle se tenait à présent devant son
bureau et regardait l’ouvrage avec émerveillement, éblouie par l’aspect doré de
la reliure. Elle ne se rappelait pas avoir déjà vu quelque chose d’aussi beau.
Du coup, elle n’osait même pas le toucher. Et puis, c’était un cadeau de son
amie la luciole. Une amie et un cadeau pour elle toute seule dans la même nuit.
L’un était aussi rare que l’autre dans la vie de la petite Sarah.
-Vas-y, prends-le, insista la
luciole de sa voix douce. Amène-le ici, je dois te dire deux ou trois choses
sur ce livre.
Sarah souleva enfin l’épais volume
et le serra dans ses bras comme un précieux trésor dont elle ne voudrait pas
être dessaisie. Elle revint vers le lit, tout aussi précautionneusement qu’à
l’aller, et s’allongea près de son amie qui avait retrouvé toute la chaleur de
sa lumière verte.
-Tu as entre tes mains ce que l’on
appelle le livre des rêves. Le soir, lorsque tu auras peur de t’endormir, peur
des ténèbres et des cauchemars, il te suffira de l’ouvrir. Une page chaque soir
avant de t’endormir. Pas davantage. Et je te promets qu’après ça, tu dormiras
comme un bébé et que tu seras en pleine forme pour aller à l’école. Bien
entendu, c’est notre petit secret à toutes les deux, personne d’autre ne doit
savoir, et surtout pas tes petits camarades de classe, c’est d’accord ma puce ?
Sarah regardait le livre avec
gourmandise et un beau sourire illumina son visage. Elle n’était pas sûre de
tout comprendre, d’ailleurs elle était trop petite pour ça, mais elle avait
retenu une chose, une chose essentielle : elle dormirait enfin et ne ferait
plus de cauchemars. C’était ce que son amie lui avait dit. C’était donc vrai,
elle en était persuadée. Une amie ne dirait pas de mensonges.
-Bien évidemment, continua la
luciole, tu peux tout à fait parler à tes copines des rêves que tu auras faits
dans la nuit. Mais pas un mot sur le livre des rêves surtout. Personne ne doit
en entendre parler et personne d’autre que toi ne doit le voir. Sinon il
disparaîtra et je ne pourrai pas empêcher les cauchemars de revenir.
Sarah avait resserré son étreinte
sur le précieux livre mais ne quittait plus la luciole des yeux, tant elle
était contente. Elle ne savait pas trop comment ça allait se passer, les rêves,
tout ça, mais elle était heureuse. Quelle belle nuit !
-Bon, il est tard ma chérie, soupira
son amie. Je repasserai te voir demain et tu me raconteras comment se sera
passée ta nuit, d’accord ? Mais là, je dois y aller, il est déjà bien tard. Et
rappelle-toi bien : une seule page par nuit, c’est bien suffisant pour avoir
son lot de rêves !
Allez, au lit à présent !
La luciole voleta jusqu’au rebord de
la fenêtre ouverte et Sarah s’allongea dans son lit et remonta le drap. Puis
elle reprit le livre des rêves entre ses mains et offrit un sourire franc et
lumineux à sa nouvelle amie.
-Merci ver luisant ! Merci pour tout
! Fais bien attention à toi en rentrant surtout !
-Ne t’inquiète pas, ma chérie ! Et
puis la nuit, c’est là que tout commence pour moi qui dors le jour, alors j’ai
l’habitude ! Allez, j’y vais ! Je te fais de gros bisous. Dors bien !
Sarah lui répondit par un smack
sonore tellement bruyant qu’elle ne put s’empêcher craintivement de dresser
l’oreille mais la maison était décidément bien silencieuse. La luciole s’envola
et sa lumière verte sembla prendre l’aspect d’une traînée de poudre dans le
sillage de l’insecte.
L’enfant était bien réveillée à
présent. Elle se sentait excitée mais n’osait pas ouvrir le livre qu’elle
regardait comme une bête curieuse. Est-ce que tous ses problèmes pouvaient se
régler si simplement ? Juste en ouvrant un livre ?
Au bout de quelques minutes, elle le
fit enfin. Avec une infinie précaution, un peu comme si le livre des rêves
pouvait tomber en poussière, elle l’entrouvrit à la première page. Il y avait
une illustration qui prenait toute la place. On y voyait une mer orangée
baignée par la soleil.
Sarah sourit d’émerveillement et
sombra instantanément dans un profond sommeil.
Lorsqu’elle se réveilla le lendemain
matin, elle s’étira paresseusement. Mais elle se sentait bien. Tellement bien.
Pas comme tous ces matins où elle n’arrivait pas à émerger. Elle sourit
lorsqu’elle vit le précieux livre posé sur la table de chevet, près de la
lampe. Elle sourit encore plus en pensant au car de l’école qui viendrait
bientôt klaxonner devant chez elle. Elle retrouverait alors ses copines et elle
pourrait à son tour leur raconter ses rêves. Car pour la première fois, d’aussi
loin qu’elle pouvait remonter le temps de ses souvenirs, la nuit ne l’avait pas
enveloppée de ses cauchemars. Elle s’était vue nager avec des dauphins alors
qu’elle n’aurait même jamais su comment faire « dans la vraie vie », courir sur
une plage de sable fin, se jeter tête la première dans les vagues en riant aux
éclats. Elle se souvenait même avoir parlé avec une sirène qui était très belle
et qui, comme son amie la luciole, avait une voix toute douce. Elle s’était
aussi vue s’allongeant dans le sable et regarder les étoiles par une nuit sans
lune, le clapotis des vagues chatouillant ses pieds nus. Sarah avait
l’impression d’avoir fait d’autres rêves mais qui lui semblaient plus
lointains, comme la sensation d’avoir mangé une crêpe gorgée de chantilly à la
terrasse de l’un de ces nombreux cafés en bord de mer. Ou d’avoir chevauché un
poisson. C’est ce qui est bien avec les rêves, pensa Sarah tout sourire, c’est
qu’on n’est pas dans la vraie vie alors on peut y voir des choses qui
n’existent pas.
Et c’est ainsi que, grâce à une
luciole sortie d’on ne sait où, par une chaude nuit de mai, Sarah apprit à
rêver. Et avec les rêves vinrent les rires, les sourires. La joie de vivre
malgré tout. Malgré la douloureuse réalité. Les coups. Les cris. Les marches
qui grincent.
Mais Sarah finissait toujours par
remonter dans sa chambre. Elle avait hâte. Il y avait deux moments qu’elle
aimait plus que tout : la nuit pour les rêves, et le début de matinée, sur le
chemin de l’école, pour les partager. Chaque soir, les gestes étaient les
mêmes. Elle ouvrait son livre, prenait la page suivante, s’émerveillait devant
la beauté de ce qu’elle découvrait et s’endormait aussitôt sans pouvoir lutter.
Le sommeil l’enveloppait et l’emmenait au pays des rêves. Et elle en fit des
rêves, la jolie Sarah, tout au long de ces nuits. Elle en parcourut des images,
des mondes, elle en vécut de belles histoires. Une nuit, elle était princesse,
et le lendemain, elle se retrouvait maîtresse d’école. Parfois elle parlait aux
animaux, d’autres fois, elle volait au milieu des oies sauvages. Tantôt elle
riait aux éclats avec les nombreux amis qui parsemaient ses aventures, tantôt
elle observait seule et silencieuse les nuages qui formaient des êtres
fantastiques dans le ciel.
Bref, depuis deux ans, Sarah rêvait.
Rarement le jour où une réalité noire et sournoise reprenait ses droits. Un peu
le matin quand les commentaires de ses camarades de classe lui donnaient
l’impression de prolonger le voyage. Mais toujours la nuit. Elle était d’autant
plus impatiente que son amie la luciole lui rendait très souvent visite. Sa
meilleure amie. Celle avec la voix si douce. Et la lumière si verte.
Sarah était pressée d’aller se
coucher. Son père, affalé sur le canapé, ne bougeait toujours pas. Elle
hésitait. Elle voyait bien qu’elle ne lui servait plus à rien maintenant qu’il
dormait, toujours avec ses yeux étrangement ouverts. Mais quand même. Et s’il
venait à se réveiller. S’il venait encore, comme un leitmotiv entêtant, à crier
son nom. Sarah, Sarah, SARAH !
Alors elle resta prostrée au pied du
canapé. Attendant sans savoir trop quoi ni surtout combien de temps. Et
redoutant, comme tant de fois auparavant, de s’endormir et de laisser les
ténèbres l’engloutir. Car sans le livre des rêves, sans son amie la luciole,
elle se savait à leur merci.
Chapitre 3
Sarah était finalement remontée dans
sa chambre alors que la petite aiguille de l’horloge du salon était sur deux et
la grande sur six. Elle était épuisée et sûrement se serait-elle écroulée si
elle n’avait pas eu à ce point peur des cauchemars. Elle avait frénétiquement
feuilleté les pages de son livre des rêves jusqu’à arriver à la page du jour.
Elle était si lasse qu’elle ne s’émerveilla même pas devant l’image qu’elle
avait devant elle, un paysage de montagne enneigé où des enfants joyeux
jouaient à se jeter des boules de neige. Elle sombra instantanément.
Le lendemain, dans le car qui la
menait à l’école, Sarah était silencieuse et avait le masque des mauvais jours.
Certes, la nuit au pays des rêves s’était bien déroulée avec son lot de rires
et de souvenirs inoubliables mais au matin Sarah avait de nouveau trouvé son
père sur le canapé, toujours les yeux grands ouverts et elle n’était pas
tranquille.
-Au moins, tant qu’il est là-bas, il
ne te crie pas dessus, murmura une voix dans sa tête
Sarah fit un geste d’agacement de la
main, comme pour la chasser, mais en vain :
-Finis les cris, les coups, les
marches de l’escalier qui grincent, continua la voix
-Mais laisse-moi tranquille, cria
soudain Sarah sous les regards médusés de ses copines.
Le reste du trajet se passa dans le
silence. Pour la première fois depuis deux ans, elle n’avait pas ri avec ses
amies en leur racontant ses rêves. Elle avait l’impression que quelque chose
n’allait pas. Pourquoi son père n’était-il pas encore réveillé ?
Ce n’est qu’au bout de trois jours
lorsque Sarah osa enfin faire part de ses inquiétudes à sa maîtresse « parce
que papa ne s’est pas réveillé depuis lundi soir » qu’une assistante sociale
l’accompagna chez elle et constata le décès.
La fillette n’avait pas de famille.
On expliqua à Sarah qu’on allait devoir lui trouver de nouveaux parents et
qu’elle ne pourrait sans doute pas rester ici. Elle devrait probablement
changer d’école aussi. Sarah écoutait mais peinait à se concentrer. La maison
ne lui manquerait pas, non. Elle était si sombre et les marches si grinçantes.
Mais quitter sa chambre l’effrayait un peu. Est-ce que son amie la luciole la
suivrait dans sa nouvelle maison ? Le livre des rêves pouvait-il marcher
ailleurs qu’ici ?
Sarah allait être confiée à une
famille d’accueil en attendant d’être adoptée. L’assistante sociale la ramena
chez elle, histoire de prendre quelques affaires en attendant mieux. La
fillette avait entendu au détour d’une conversation entre grandes personnes que
la maison allait être mise en vente mais que cela suffirait sans doute à peine
à combler les dettes contractées par son père. Elle ne comprenait pas trop ce
que cela signifiait mais elle avait retenu une chose : la maison allait être
vendue et elle ne pourrait plus y retourner. Ce n’était pas une mauvaise chose
en soi, pour sûr, mais Sarah voulait être sûre de ne rien oublier avant de partir.
A peine l’assistante sociale
eut-elle ouvert la porte que Sarah se rua dans les escaliers, jetant juste au
passage un très bref regard vers le salon et le canapé (Sarah, SARAH !). Elle
s’engouffra dans la chambre et referma la porte derrière elle. Elle prit une
poche et y jeta pêle-mêle les trop rares poupées qu’elle possédait, du temps où
sa mère était encore vivante et dont elle n’avait presque aucun souvenir. Elle
ne voulait surtout pas partir sans son livre des rêves. Elle ouvrit la fenêtre
sur l’obscurité naissante, espérant que son amie la luciole viendrait peut-être
la voir un peu plus tôt mais en vain. Très vite, elle ne pensa plus à la
luciole d’ailleurs. Car elle ne parvenait pas à mettre la main sur le précieux
livre et commençait à sentir une sorte de panique l’envahir.
-Zut ! Où l’ai-je mis ? Où EST-IL ?
Sarah fouilla la chambre de fond en
comble, ce qui n’était pas très difficile vu le peu d’objet qu’elle possédait
et l’étroitesse de la pièce. Mais rien n’y fit. Pas trace du livre des rêves.
Ni sous le lit où elle le planquait d’habitude, ni sur son bureau. Ni où que ce
soit.
La fillette sentit les larmes lui
monter aux yeux alors que l’assistante sociale entrait dans la chambre a son
tour.
-Que se passe t-il Sarah ?
-Je ne trouve plus mon livre des
rêves, sanglota l’enfant, je l’avais pourtant rangé sous le lit comme tous les
soirs mais il a disparu.
-Allons ma puce, ne te mets pas dans
des états pareils pour un livre. Je comprends que tu y sois attachée mais ce
n’est pas bien grave. Il y a aussi de beaux livres là où je t’emmène.
Non, tu ne comprends rien, pensa
Sarah dont le regard virait au noir. Comment aurait-elle pu comprendre ?
Comment pouvait-elle savoir que ce livre était magique et la faisait rêver ?
Sarah reprit sa fouille méthodique
sous le regard médusé de la jeune femme. En vain. Et les larmes n’y changèrent
rien, il fallut bien, au bout d’un moment, se résoudre à partir. Une fois
dehors, les yeux embués, Sarah se retourna et scruta une dernière fois la
maison sombre. Celle avec les cris, les coups, les marches qui grincent. Celle
avec le livre des rêves. Celle avec son amie la luciole. Avec son père sur le
canapé. Dormant les yeux ouverts.
L’enfant frissonna puis s’engouffra
dans la voiture. Elle était triste. Elle ne comprenait pas ce qui avait pu se
passer. Peut-être que son amie avait repris le livre… Mais pourquoi ?
Ils étaient tous bien gentils avec
elle. Et Isa, la maîtresse de maison, était bonne cuisinière. Elle reprit donc
du cake aux légumes et mangea avec appétit. Son mari était bien gentil aussi.
Il souriait tout le tout et ça lui faisait du bien à Sarah, de voir les gens
lui sourire.
Le couple avait deux enfants avec
lesquels elle joua après avoir dîné. Mais même s’ils étaient adorables avec
elle, Sarah n’y était pas vraiment. Elle pensait à son livre, de plus en plus
d’ailleurs au fur et à mesure que l’heure du coucher approchait. Sans son
livre, elle ne pourrait pas empêcher les cauchemars de l’engloutir. Elle
devrait, encore et encore, lutter pour ne pas fermer les yeux. Pour repousser
les ténèbres. Pour empêcher son père de revenir. Sarah ! SARAH !
Elle était tellement jolie la
chambre qu’on lui avait réservée. C’était celle d’Enéa, la petite fille d’Isa
et de Laurent et elle était belle comme tout. Il y avait une étagère avec plein
de poupées et de douces peluches sur le lit. Tout le monde vint l’embrasser une
fois qu’elle se fût allongée dans le lit. On lui laissa même la lumière pour
qu’elle puisse dormir plus facilement mais Sarah savait bien que cela ne suffirait
pas à repousser les ombres.
Dès qu’elle fût seule, Sarah fondit
en larmes, sanglotant aussi silencieusement qu’elle le pouvait. Elle avait été
si bien accueillie, ils s’étaient montrés si gentils tous. Tout aurait été si
parfait si elle n’avait pas égaré son cher livre des rêves. Pourquoi de si
beaux instants de bonheur devaient-ils se terminer comme ça ? Par des nuits de
ténèbres et de cauchemars.
Sarah lutta longtemps, scrutant le
ciel étoilé à travers la fenêtre ouverte. La nuit était fraîche pourtant, mais
la fillette ne voulait pas risquer de rater son amie la luciole. Mais elle ne
vint pas, d’ailleurs comment aurait-elle su où la trouver, pensa Sarah.
Epuisée, elle finit néanmoins par sombrer dans un profond sommeil vers deux
heures du matin.
Elle fut réveillée vers onze heures
le lendemain matin par les deux enfants, Enéa et Léon, qui firent irruption
dans la chambre, accompagnés d’Isa.
-Bonjour Sarah ! Tu dormais si bien
que je n’ai pas eu à cœur de te réveiller plus tôt ! Et tu as eu de la chance,
j’ai réfréné les ardeurs de ces deux petits monstres qui t’auraient fait lever
bien plus tôt si je les avais écoutés. Léon voulait à tout prix te montrer ce
qu’il savait faire avec la paire de cymbales qu’il a eue pour son anniversaire.
Crois-moi, tu as raté quelque chose !
Sarah sourit. Elle se sentait
extraordinairement bien. La fenêtre, toujours ouverte, laissait entrer une
chaude lumière qui baignait la pièce. Elle s’étira paresseusement, souriant
toujours. Elle regarda Léon qui était tout sourire aussi puis Enéa qui faisait
la moue (C’est vrai quoi, je ne suis pas un monstre, devait-elle se dire) et
elle éclata de rire.
-Prends le temps de te réveiller, je
t’ai préparé de quoi tenir jusqu’au repas de midi. Allez, les enfants, on
laisse notre amie émerger.
Isa sortit et les enfants lui
emboîtèrent le pas, Enéa boudant toujours en refermant la porte.
Sarah était heureuse. Mais pas
seulement à cause de ses nouveaux amis, ni du soleil qui réchauffait la
chambre. Elle était heureuse car elle n’avait pas fait de cauchemars. Mieux,
elle avait rêvé. D’une foule de choses. Si elle avait su, elle n’aurait jamais
tant lutté pour éviter de s’endormir. Quelle belle nuit finalement !
Sarah se leva, enfila sa robe de
chambre et se dirigea vers la fenêtre. L’air était quand même frais malgré le
soleil déjà haut dans le ciel et elle frissonna. Elle s’apprêta à la refermer
lorsqu’elle entendit soudain une voix familière :
-Bonjour jolie Sarah ! Tu me laisses
entrer, tu veux bien ? C’est qu’il fait un peu frisquet dehors !
Sarah faillit crier puis mit ses
deux mains à sa bouche, les yeux écarquillés. Elle fronça les sourcils et
aperçut enfin au bout d’interminables secondes son amie la luciole. Il faut
dire qu’en plein jour elle avait du mal à distinguer sa lumière verte. La
fillette la prit dans le creux de sa main et ferma la fenêtre de l’autre,
laissant juste passer un filet de lumière entre les battants. Dans la pénombre,
le halo vert entourant son amie était redevenu bien vif et lumineux.
-Merci ma chérie ! Il fait quand
même un peu meilleur ici, murmura l’insecte. Je voulais passer te voir plus tôt
mais j’ai eu un peu de mal à te trouver. Et puis la nuit, les embouteillages
entre lucioles, c’est terrible !
-Le livre des rêves a disparu, coupa
Sarah dont la mine s’était assombrie.
-Oui, je sais Sarah, et c’est tout à
fait normal.
L’enfant regarda son amie comme une
bête curieuse (En même temps, c’était un peu ce qu’elle était, non ?). La
luciole ne semblait pas du tout surprise d’apprendre que l’ouvrage s’était
volatilisé.
-Dis-moi Sarah, à quoi devait te
servir ce livre ?
La fillette hésita un instant, tant
la réponse lui semblait évidente.
-Eh bien… A rêver. A empêcher les
cauchemars de me faire du mal
-Mais cette nuit, tu as bien rêvé
toute seule, non ? dit la luciole de sa voix douce
-Oui mais…
Sarah s’interrompit un instant comme
si elle comprenait enfin l’évidence.
-Tu n’as plus besoin du livre des
rêves Sarah ! Parce que tu sais rêver toute seule ! Parce qu’il te suffira de
vivre de belles choses pour que les rêves viennent. Tu n’as plus à avoir peur
des cauchemars, tu n’as plus à lutter contre le sommeil lorsque la nuit tombe.
Et tu n’as plus besoin de moi non plus ma grande !
La dernière phrase attrista Sarah
qui comprit alors plus ou moins consciemment qu’elle ne reverrait plus son amie
la luciole.
-Le livre des rêves a disparu à
partir du moment où il a estimé que tu pouvais rêver par toi-même ! C’est donc
une très bonne chose qu’il ne soit plus là ! Maintenant c’est une nouvelle vie
qui s’ouvre à toi. Je ne te dis pas pour autant que tout sera parfait, que tout
sera toujours rose. Tu comprends ça ?
-Je crois, oui, chuchota Sarah,
fixant la luciole toujours tapie dans le creux de sa main. Plein de sentiments
contraires s’entrechoquaient dans sa tête. Heureuse de ne plus avoir besoin
d’un livre pour s’endormir ou pour avoir de belles images dans la tête.
Heureuse de connaître Isa et sa petite famille, même si elle savait que ça ne
durerait qu’un temps. Mais triste à l’idée de ne plus voir son amie qui avait
été là pour elle tant de fois depuis deux ans. Elle allait lui manquer. Oh que
oui !
-Toi aussi tu vas me manquer,
murmura la luciole comme si elle avait lu dans son esprit. Mais si tu n’as plus
besoin de moi, d’autres ont des problèmes que je dois résoudre. D’autres
doivent apprendre à vivre et à rêver. Mais je ne t’oublierai jamais, ma petite
Sarah, sois en bien sûre surtout !
Les larmes montèrent aux yeux de
Sarah. La luciole quitta alors la paume de la main de la fillette et voleta
jusqu’au rebord de la fenêtre.
-Prends soin de toi et profite bien de
la vie surtout !
Sarah fit un signe de la main et son
« toi aussi » s’étrangla entre deux sanglots. Puis la lumière verte de la
luciole s’intensifia un bref instant, irradiant la pièce, avant que l’insecte
ne s’envole par le fin trait de lumière entre les volets et ne disparaisse
définitivement.
Sarah se retrouva seule. Elle
rouvrit les volets et la chaleur du soleil réchauffa instantanément son visage,
séchant ses larmes. Alors elle sourit, enfin heureuse, puis quitta la chambre
en riant, courant pour retrouver au plus vite ses tout nouveaux amis.
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