Thème de l'exercice imposé : Rédiger la biographie d'un personnage imaginaire en proposant simplement quelques moments clés de sa vie : la naissance, l'enfance, les études, les amis, les métiers, la vie sentimentale et amoureuse, les voyages, les maladies, la mort... Tu peux choisir un homme ou une femme et les placer dans le pays ou l'époque de ton choix.
Donc, voilà ce que cela donne :
Emile Gobert est né le 12 mars 1926 dans une famille plutôt aisée pour l’époque d’un père exploitant agricole et d’une mère institutrice. Troisième d’une lignée de huit enfants dont cinq n’atteindront pas l’âge d’un an, il est marqué très jeune par la mort accidentelle de son frère ainé, Louis, dont il était très proche, d’une diphtérie mal diagnostiquée. Malgré une scolarité en dents de scie du fait de l’ampleur des travaux à la ferme, il décroche à 13 ans son Certificat d’Etudes Primaires. Ce sera l’ultime motif de satisfaction de sa mère qui décèdera moins de quatre mois plus tard en mettant au monde son dernier enfant, Jean.
Dès lors, Emile s’occupe à la fois de son tout jeune frère, seul rescapé avec lui de la fratrie, et de l’exploitation où il y a de quoi faire d’autant que les terres à cultiver ou à entretenir sont nombreuses. Son père André les tenait de son propre père et ce dernier avait eu à cœur de les faire fructifier au mieux afin que famille et descendance à venir ne manquent de rien. Mais avec à seulement deux pour gérer la ferme, les 24 heures de la journée n’y suffisent plus. Emile gardera de ces années valorisantes mais harassantes le goût du dur labeur.
A un an de la fin de la guerre, le jeune Emile est mobilisé sur le front. Il a 18 ans et se retrouve en première ligne. Lors d’un assaut, il perd partiellement l’usage de sa jambe droite. Il évitera l’amputation de justesse mais gardera à vie une démarche boiteuse qui le handicapera beaucoup, surtout pour les travaux à la ferme. Alors oui, il est vivant à une période où beaucoup n’ont pas eu cette chance mais il a du mal à s’en satisfaire. Par chance, sa jambe ne le fait pas souffrir et il ne ménagera pas ses efforts pour ne pas être un poids mort vis-à-vis de son père et de son jeune frère qui montre de belles dispositions dans l’effort pour le monde agricole.
Parce qu’il est jeune mais aussi parce que le traumatisme de la guerre lui rappelle à chaque instant que la vie peut être courte, Emile profite de chacun des moments où il peut souffler pour se rendre au village, passant son temps à conter fleurette aux filles qu’il ne laisse pas insensible. Il compense son apparence boiteuse par une faconde sans limite qui fait mouche. Emile multiplie les conquêtes mais ne s’attache pas, au grand dam de son père. D’ailleurs, Emile ne se mariera pas. Jamais. « Par manque de temps » répètera-t-il invariablement. Ou d’envie. Les années passent et Emile ne semble pas vouloir se fixer. L’existence qu’il mène, entre travail harassant et rares festivités, semble lui convenir.
Un drame va toucher Emile de plein fouet : la disparition tragique de son seul frère restant, Jean, lors de la guerre d’Algérie. A partir de là, plus rien ne sera vraiment comme avant. Emile, inconsolable, va se réfugier encore davantage dans le travail et la solitude. Car les journées qu’il passe avec son père vieillissant sont désormais sans parole. Chacun se tue à la tâche comme pour ne pas penser. Parler est devenu superflu. Les sorties au village se réduisent comme peau de chagrin.
En 1980, Emile enterre son père et revend la plupart de ses terres. Il ne garde que la maison, un peu de terrain et quelques bêtes. Il lève clairement le pied. Il peut se le permettre. Il n’a plus que lui à nourrir. L’été, il descend quelquefois au village, parler de la pluie et du beau temps au troquet sur la place. Ou se moque gentiment de ceux qui triment en plein cagnard. Lui a du temps désormais. Sa jambe est usée. Lui aussi. Il est las. Il survit plus qu’il ne vit tant il donne l’impression de se traîner. Sa maison est sale. Dans la cuisine, la vaisselle s’entasse. Encore faut-il qu’il prenne le temps de cuisiner.
En 1988, il accepte de mauvaise grâce un cadeau qu’il juge empoisonné : une touffe de poils de quelques semaines censée pallier sa solitude. Un putain de clebs pataud qui ventile avec sa queue comme un con et dont Emile est bien persuadé qu’il ne sera qu’une source d’ennuis. Ce sera une renaissance. Le vieil homme va réapprendre à vivre au contact de Toby. Désormais ils vont tout partager et l’un comme l’autre ne seront plus seuls.
Jusqu’à mourir ensemble ou presque. En octobre 2005, par une nuit d’orage, à 17 ans -et tellement plus en langage chien-, Toby tire sa révérence. Le 17 février 2006, Emile s’en va le rejoindre en espérant qu’il y aura une petite place pour un humain au paradis des chiens. A moins d’un mois de son 80e anniversaire.
Excellente la biographie d'Emile que j'avais déjà rencontré, mais que je connaissais mal, personnage juste et attachant cet Emile ! Quant à la rencontre avec Toby c'est le petit plus et le clin d'oeil de l'artiste ! Vraiment remarquable comme toujours félicitations un régal !
RépondreSupprimerChristian
Le plus long a été de retrouver le prénom : Emile. Car il ne figure pas dans la nouvelle "Toby". Mais je savais que j'avais dévoilé son prénom lors d'une lointaine "réunion" où je m'étais mêlé à mes personnages de fiction. Je pense que peu de gens feront le lien d'entrée et c'est le but recherché. Une biographie anodine en apparence mais...
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