jeudi 5 novembre 2015

La BD du Jeudi : Une Nuit à Rome




Lorsque j'ai assisté mercredi dernier à l'ouverture de Bulles de Papier dans leurs nouveaux locaux, j'ai pris plusieurs heures dans le magasin à la recherche d'un coup de cœur. Finalement, je suis tombé sur le diptyque Une Nuit à Rome. La beauté du dessin m'a aussitôt saisi. Mais le titre que je pensais renvoyer à une bluette sentimentale indigeste me faisait hésiter. Je n'étais pas contre un peu de sentimentalisme sirupeux mais je voulais quand même qu'il y ait une intrigue. Un des vendeurs m'a conseillé de ne pas m'arrêter à cette première (mais fausse) impression. Alors, entre autres petites pépites, je suis reparti avec les deux tomes sous le bras. Quand j'ai présenté mes achats sur Facebook, mon ami François-Marie s'est juste fendu d'un "excellent" encourageant vu que nous n'avons pas forcément les mêmes goûts en matière de BD. Bref, ça se présentait bien.




Au final, l'histoire n'a rien d'une bluette, premier soulagement,même si elle fait la part belle aux sentiments, qu'ils apaisent ou qu'ils tiraillent, qu'ils façonnent ou qu'ils détruisent. Pour le côté sirupeux, on repassera aussi. Deuxième soulagement.La phrase qui accompagne l'affiche présentant les deux volumes est un parfait résumé du pitch. Inutile de trop en dire d'ailleurs. Raphaël et Marie se sont rencontrés à 20 ans. Etant nés le même jour, ils se sont jurés de se retrouver pour leurs 40 ans et de passer une nuit ensemble. Vingt années ont passé et Marie, par le biais d'une VHS témoin de leur promesse, se rappelle aux bons souvenirs de Raphaël qui a entretemps refait sa vie. 




Dans une interview, Jim (qui a ici les deux casquettes de scénariste et dessinateur) disait qu'il se considérait avant tout comme un auteur et que l'aspect dessinateur n'était qu'un complément. D'ailleurs, il n'est pas rare qu'il laisse le soin du dessin à d'autres. Toujours est-il que quand on voit le travail accompli sur Une Nuit à Rome, sublimé il est vrai par la mise en couleur très inspirée de Delphine, on est proche de la perfection. Chaque plan, chaque découpage, chaque paysage, chaque expression sont autant de moments de grâce propres à installer une atmosphère tour à tour sensuelle, drôle, tragique, intimiste, festive... Une valse qui donnerait presque le tournis tant on est happé dans ce carrousel de sentiments.




Et c'est là qu'intervient tout le génie de Jim, scénariste. Arriver à poser des mots comme il le fait sur nos questionnements, nos peurs, nos tentations, nos désirs, nos bravoures, nos lâchetés, nos fêlures, nos doutes, nos certitudes... relève d'un réel tour de force  que l'on oublierait presque tant l'ensemble est cohérent et semble couler de source. Car au travers de l'histoire non seulement de Marie et Raphaël mais aussi de toutes ces personnes qui gravitent autour d'eux et qui n'en sortiront pas indemnes, Jim s'adresse aussi à nous, nous renvoyant à nos propres interrogations et nos propres cheminements sinueux . Et si l'on est quadra comme moi, il y a forcément quelque chose qui se passe, aussi différent soit notre vécu de celui de Raphaël (ou de celui de Marie si on est une femme). Bref, une écriture intelligente, sensible, cruelle aussi mais toujours juste.




Je pourrais parler pendant des heures de ce très gros coup de cœur (je pense ne pas avoir ressenti quelque chose d'aussi fort depuis Magasin Général) mais cela ne ferait qu'alourdir mon propos. Simplement, je recommande bien évidemment hautement la lecture d'Une Nuit à Rome. J'ai vécu un grand moment de lecture et je pense que je vais désormais explorer un peu plus l'univers de Jim. Je ne suis pas certain qu'il puisse me surprendre ou m'embarquer à chaque fois, surtout s'il n'est pas systématiquement aux crayons, mais je demande quand même à voir. En tout cas, quelle claque ! 



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