A partir d'aujourd'hui et jusqu'à vendredi, zoom sur 3 albums signés Laurent Lefeuvre pour lesquels je ne reculerai devant rien, pas même devant les jeux de mots bien pourris donc parfaitement assumés tel le titre un poil bancal de ce billet. Pardon Laurent.
Je ne connaissais rien de Laurent Lefeuvre mais à la seule vue de la couverture de Tom et William, j'ai su que son univers serait en phase avec le mien, celui d'un enfant dans sa bulle. J'ai observé cet enfant plongé dans sa lecture, j'ai scruté les héros qui étaient les siens dans le ciel et je me suis dit : "Je vais me plaire ici".
Difficile de raconter l'histoire sans trop en dévoiler. Tom est un enfant solitaire, mais non par choix, qui trompe son ennui en se délectant de lectures de comics découverts par hasard dans le cabanon de ses grands-parents. Ces BD appartenaient à son père et il y a a chez le petit Tom autant de plaisir à se plonger dans des histoires passionnantes qu'à "reprendre le flambeau" de lecture du père, tel un héritage précieux puisque ce dernier est mort.
Les problèmes commencent à pointer le bout de leur nez lorsque les héros des BD prennent vie, amenant avec eux leurs Némésis. Chaque héros est alors synonyme de danger pour Tom et les personnes qu'il va croiser tout au long de son aventure, à commencer par son nouvel ami William, son seul véritable confident et probable progressive figure paternelle.
Le scénario est malin (très) même si j'avoue ne pas avoir maintenu une attention maximale tout le long. J'ai particulièrement apprécié le début, notamment la façon dont Tom et William s'apprivoisent, ainsi que la rencontre savoureuse avec le premier héros barré de l'histoire, Günnar le barbare. J'ai aussi beaucoup aimé la variété des péripéties, du fait de la diversité des héros et des "méchants" attitrés, témoignage aussi de la richesse des influences de l'auteur, bien que ce dernier ait bien évidemment pris des libertés avec ses propres souvenirs : les petits formats présentés ici sont fictifs mais ils n'en représentent pas moins une réalité de cette époque et, à ce titre, le journal de bord qui clôt l'album est une petite madeleine de Proust délicieuse. Dernièrement, Trondheim et Keramidas avaient opté pour le même type de clin d'oeil pour leur fantastique Mickey : the craziest adventures mais chez Lefeuvre, l'hommage est poussé à l'extrême, du fait que ces petits formats soient l'essence même de l'ouvrage. Sans eux, pas d'histoire. Enfin, les émotions sont savamment dosées : de l'aventure, de l'imaginaire, de l'humour, de la tension, de la complicité... Beaux ingrédients pour une belle recette au final.
Néanmoins, j'ai un peu moins adhéré à la fin, estimant pour ma part que les masques tombaient un peu vite et de façon un peu abrupte surtout. J'ai également moins apprécié la vie en communauté dans le fort. Chez moi, la page 30 a ainsi créé une vraie rupture de lecture, je ne saurais pas réellement expliquer pourquoi avec précision, sans doute du fait de la présentation très classique mais très expédiée pour le coup des nouveaux personnages : prénom, profession, âge, contexte... Je n'ai pas du tout adhéré au procédé que j'ai personnellement trouvé maladroit, j'avais l'impression de me retrouver dans une enquête policière où on passerait en revue les suspects. Du coup, à trop y réfléchir, j'ai un peu perdu le fil à ce moment là avant de reprendre le train en marche.
En dehors de cela, j'ai passé un très bon moment de lecture et le dessin m'a beaucoup séduit aussi, hormis des décors un peu vides parfois, peut-être un choix délibéré de l'auteur quand on voit le détail qu'il est capable d'apporter par ailleurs à de multiples reprises dans l'album. J'ai aimé l'expressivité des personnages, la mise en scène générale, nerveuse dans les moments de tension et tout aussi inspirée dans des séquences plus intimistes (celles de la nuit notamment), la palette des couleurs (surtout en intérieur), le travail incroyable sur le rendu des fausses couvertures et j'en passe...
Indépendamment de ma propre appréciation de cette BD, je suis surtout heureux qu'elle existe. Ce n'est pas tous les jours qu'une oeuvre tourne autour de l'imaginaire, des univers que l'on se crée, de l'importance de nos lectures et de notre enfance. Selon notre propre vécu, Tom et William aura plus ou moins d'impact, mais elle ne laissera personne indifférent. Du haut de mes 45 ans, je revendique haut et fort ce besoin d'avoir une bulle bien à moi, un refuge fait de rêves et de personnages merveilleux. Evidemment, la bulle se fripe davantage désormais face aux réalités de l'extérieur. Mais elle est toujours là, merci à Laurent de nous le rappeler.
Gamin, j'avais deux certitudes. Qu'à force de poser mes doigts sur les murs, ils finiraient par adhérer et que ce serait le début de ma carrière de Spider-man. Qu'à force d'attendre dans la cour de mon école, les yeux rivés vers le ciel, Actarus viendrait me chercher pour l'aider à sauver la Terre des forces de Véga.
Je vais peut-être toucher à nouveau quelques murs désormais...
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